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La nouvelle vie d’anciens travailleurs sénégalais sans papiers

Manifestation de travailleurs "sans papiers"

Membres actifs du grand mouvement de grève de sans papiers, Adama et Fousseyni ont, depuis, obtenu des titres de séjour. Tous les deux se concentrent à présent sur d’autres étapes de leur intégration en France.

Adama :  « Ma vie est ici maintenant » 

« Être enfin régularisé, c’était pour moi un premier rendez-vous avec la vie. Un sans-papiers doit se cacher. Il vit avec la peur au ventre, celle de se faire contrôler par la police quand il se déplace. Et puis impossible de revenir au pays. Quand j’ai été régularisé, j’ai enfin pu retourner au Sénégal, après onze années d’absence. Là-bas, je me suis marié.

Je suis maintenant papa d’une petite fille de six mois. J’aimerais bien les faire venir en France, mais j’attends de décrocher un CDI avant de leur dire de me rejoindre. Ma vie est ici maintenant, j’aime la France. Je ne serais jamais allé en Italie, par exemple. C’est à l’école française que je suis allé lorsque j’étais petit. Je suis maintenant intérimaire dans une imprimerie de Pontault-Combault (Seine-et-Marne), au conditionnement des emballages. J’ai été très engagé dans le mouvement de grève des sans papiers dans l’Essonne.

Je n’ai pas abandonné la lutte. Dans le département, il reste 25 anciens grévistes qui enchaînent les récépissés de trois mois parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir des fiches de paie. Nous continuons à les défendre, même si la mobilisation générale n’est plus là. La préfecture d’Ivry nous autorise à déposer trois dossiers de régularisation tous les quinze jours.

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C’est peu, mais j’aide les sans papiers qui viennent dans nos permanences à les constituer. Je connais le travail. Contrairement aux premiers sans papiers en demande de régularisation, comme ceux de l’église Saint-Bernard par exemple, la prochaine génération pourra s’appuyer sur leurs prédécesseurs, techniquement formés à la négociation avec les autorités. »

Fousseni :  « Aujourd’hui, je gagne correctement ma vie » 

« Bien des choses ont bougé pour moi. J’ai rencontré Aude, avec qui j’ai emménagé porte des Lilas. Je l’ai présentée à ma famille. Je n’étais pas revenu au pays depuis cinq ans. Ça m’a vidé la tête. De retour en France, je me suis senti comme lavé. Au départ, travailler en France n’était pas un projet pour moi. À la limite, j’aurais aimé y étudier.

La réalité, c’est que ma famille s’est cotisée pour financer un visa tourisme et le billet d’avion. Elle m’a vite mis la pression pour travailler et rembourser, ce que j’ai pu faire en demandant une fausse carte de séjour. Aujourd’hui, je suis coffreur boiseur sur les chantiers de BTP et je gagne correctement ma vie : un peu plus de 2 000 € par mois.

Mais je n’ai pas beaucoup de possibilités d’évolution en tant qu’intérimaire. Je préférerais être embauché en CDI, ce qui me permettrait d’envisager des formations pour devenir conducteur de grue, par exemple. Je me sens bien ici. Je me suis fait des amis. La lutte pour la régularisation m’a changé, aussi. J’y ai pris des responsabilités en tant qu’ancien porte-parole national du mouvement.

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Je fais maintenant partie d’un collectif au niveau confédéral de la CGT. Avant le mouvement, ce collectif n’était composé que de blancs. Je suis fier de ce que nous avons réalisé. Nous n’avons peut-être pas gagné à 100 % mais nous avons fait bouger les choses face à l’administration. Il m’arrive encore de participer aux manifestations, même si ce n’est pas toujours compatible avec mes horaires de travail.

Aujourd’hui, il faut remonter le moral des troupes. C’est une période de déception, alors que beaucoup attendaient un changement après l’arrivée de la gauche au pouvoir. D’anciens militants partent, mais nous commençons aussi à voir arriver de nouvelles têtes. Le mouvement est en sommeil, mais les sans papiers sont toujours là. À tout moment, il peut se réveiller. »

 

Source : La croix

 

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