La FIDH et ses organisations membres au Sénégal, la RADDHO, l’ONDH et la LSDH, expriment leur vive préoccupation face à l’intensification de la répression contre des membres de l’opposition politique et des journalistes. Alors que se rapproche l’échéance de l’élection présidentielle prévue en février 2024, elles appellent les autorités nationales à garantir le respect des droits humains et des libertés fondamentales.
Le 16 mars dernier, la ville de Dakar a été le théâtre de violents affrontements entre les forces de l’ordre sénégalaises et les partisans d’Ousmane Sonko, président du parti d’opposition Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) et député à l’Assemblée nationale, le jour de sa comparution devant la justice.
Des manifestations de soutien organisées par ses partisans ce jour-là ont été violemment réprimées par la police. Les informations reçues par nos organisations et d’autres relayées par les médias font état du déploiement d’un important dispositif des forces de sécurité, d’un large usage de gaz lacrymogène et d’affrontements ayant causé la mort d’au moins une personne et plusieurs blessés. Ousmane Sonko, qui avait été emmené de force au tribunal, n’a pas pu comparaître. Son procès a été renvoyé au 30 mars prochain.
« Il est de la responsabilité des autorités sénégalaises d’assurer que les forces de sécurité, dans leur mission de maintien de l’ordre, agissent en toute circonstance en vue de préserver la vie humaine et la sécurité, tant des manifestants que de la population civile. L’usage disproportionné de la force est condamnable et ne constitue en aucun cas une solution », a déclaré Me Drissa Traoré, Secrétaire général de la FIDH.
La FIDH, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), l’Organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) et la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) tiennent à rappeler que le maintien de l’ordre doit s’opérer dans le strict respect des instruments internationaux et régionaux auxquels l’État sénégalais a souscrit.
Rétablir un climat politique démocratique et respectueux des droits humains
Le Sénégal, souvent cité comme un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest, traverse, depuis plusieurs années, une vague de contestations rarement observée. Ces contestations se sont exacerbées depuis 2021, et particulièrement avec l’arrestation d’Ousmane Sonko.
La convocation de ce dernier, le 3 mars 2021, devant le Juge d’instruction dans le cadre d’une procédure ouverte à la suite d’une plainte pour viol et menaces de mort déposée par Adji Sarr, une jeune femme sénégalaise, a été marquée par cinq jours de manifestations et d’émeutes, violemment réprimées.
À ce jour, aucune justice n’a été rendue après la mort de 14 personnes, dont 12 par balle, et plusieurs blessés graves.
« Nous attendons que les autorités sénégalaises prennent toutes les mesures nécessaires afin que les responsabilités soient établies et que les auteurs de toutes ces violences quels qu’ils soient, répondent de leurs actes devant les juridictions compétentes », a affirmé Pr. Mabassa Fall, représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.
À ce jour, Ousmane Sonko est sous le coup de deux procédures judiciaires en cours, l’autre faisant suite à la plainte pour « diffamation, injures et faux et usage de faux » déposée par Mame Mbaye Niang, ministre du Tourisme et membre du parti présidentiel et qui est marquée par des violences depuis les premières tentatives d’ouverture du procès en février dernier.
À la suite des heurts du 16 mars dernier, Ousmane Sonko et plusieurs de ses partisans sont dans un état de santé préoccupant. La FIDH et ses organisations membres exhortent les autorités sénégalaises à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’ils aient accès aux soins adéquats en urgence.
Tous ces événements se déroulent dans un contexte politique tendu, à un an de l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024. Le flou entretenu par le président Macky Sall sur une possible candidature pour un troisième mandat suscitent des tensions grandissantes.
La FIDH, la RADDHO, l’ONDH et la LSDH, appellent les autorités sénégalaises à respecter leurs engagements régionaux et internationaux relatifs au respect des principes démocratiques. Elles appellent les acteur.trices politiques sénégalais.es à agir pour favoriser un débat national serein et inclusif ainsi qu’à tout mettre en œuvre pour permettre une décrispation du climat politique.
« Seule la conjugaison des trois facteurs importants que sont le respect de la Constitution, l’impartialité de la justice et l’ouverture sans délais d’un large dialogue fondé sur le respect des droits humains et ouvert à l’ensemble des composantes de la nation, permettra au Sénégal de rétablir cette stabilité historiquement reconnu de manière durable », a déclaré Alice Mogwe, présidente de la FIDH.