Il a fait dix mois de prison alors qu’il était innocent. Le frère jumeau de Yoan Gomis, un violeur en série, a été définitivement disculpé par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône. L e jeune homme avait été placé en détention provisoire par la justice, incapable de le différencier de son frère à cause de leur ADN identique.
Yoan Gomis, accusé de trois viols, quatre tentatives de viols et d’une agression sexuelle commises à Marseille entre septembre 2012 et février 2013, qui ont conduit son frère jumeau monozygote Elvin à faire 10 mois de détention provisoire avant d’être disculpé, a reconnu les faits lundi, devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.
Après le tirage au sort des jurés et la lecture des éléments sur les trois viols, trois tentatives de viols et une agression sexuelle commis entre septembre 2012 et février 2013, le président de la cour Jean-Luc Tournier se tourne vers l’accusé en lui demandant s’il reconnaissait les faits. « Je reconnais tous les faits », répond Yoan Gomis, 26 ans, d’origine sénégalaise, fin et musclé, vêtu d’un polo noir, confirmant à la demande du président qu’il reconnaît également le caractère sexuel des agressions, ce qu’il n’avait pas fait jusque-là. Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
Extrait de détention provisoire pour le procès, l’accusé, atteint d’une surdité partielle de naissance contrairement à son frère, s’est présenté sans appareil auditif fonctionnel en raison d’un problème de pile, ce qui a largement compliqué l’audience. Dès qu’il est interrogé, Yoan Gomis regarde intensément le président. Il ressort de l’enquête que M. Gomis lit très bien sur les lèvres. Mais il demande cependant systématiquement au président de répéter, parfois plusieurs fois. « Je suis désolé d’avoir menti depuis tout ce temps », explique-t-il avec une élocution difficile, en raison de sa surdité, j’avais honte de moi, je n’arrivais pas à le dire », poursuit-il, affirmant ne pas comprendre pourquoi il avait agressé ces femmes.
L’une de ses avocates, Me Vanessa Cerda, s’est dite lors d’une suspension d’audience « extrêmement soulagée » des déclarations de son client. « Ça aurait été très difficile de le défendre », explique-t-il, au vu « des éléments à charge difficilement contestables ». « C’est un soulagement pour les parties civiles d’entendre que les faits ne sont pas contestés », a réagi Me Christophe Bass, l’avocat de l’une des six parties civiles présentes à l’audience, pour qui « il faut se satisfaire de cheminement ».
Mystère de la gémellité
Son frère Elvin, présent dans la salle au début de l’audience, ne peut pas assister à la suite des débats, car il est cité comme témoin et doit être entendu mercredi. Avant de questionner l’accusé, le président Tournier est revenu en détails sur les sept agressions au mode opératoire similaire: un homme arrivait derrière ses victimes, souvent la nuit ou très tôt le matin, les ceinturait et les amenait sous la contrainte dans un endroit « à l’écart » avant de leur demander avec plus ou moins de réussite, une fellation. Puis il s’enfuyait avec leur sac et leurs téléphones.
Rapidement, dans cette affaire de viols en série assez classique au départ, les enquêteurs identifiaient, dans plusieurs cas, un ADN masculin commun. Problème: cette trace génétique les mène non pas à une, mais deux personnes: les frères Gomis, jumeaux monozygotes, donc avec le même patrimoine génétique, qui habitent dans le 3e arrondissement de Marseille.
Les deux jumeaux vivent ensemble, échangent leurs vêtements, parfois leurs téléphones, utilisent la même voiture et ont un compte Facebook commun… Ils sont aussi arrêtés ensemble, à leur domicile le 7 février 2013. Mais après une enquête minutieuse qui a disculpé Elvin, en recoupant les témoignages, en vérifiant les alibis, en étudiant les éléments de téléphonie mobile, seul Yoan Gomis comparaît devant la cour d’assises jusqu’à vendredi. Elvin Gomis a finalement été libéré après 10 mois de détention provisoire, avant de bénéficier d’un non-lieu. Après avoir longtemps nié en bloc, face aux éléments de preuve qui l’accablent, Yoan avait finalement livré des aveux partiels pendant l’instruction, reconnaissant les agressions, mais pas leur caractère sexuel.
Malgré les 10 mois de détention subi par Elvin, soulignés à plusieurs reprises par le président, la relation entre les deux frères est aujourd’hui « identique à ce qu’ils ont toujours connu », affirme Me Vanessa Cerda, le conseil de Yoan. « Elvin Gomis n’a jamais émis un quelconque reproche à l’égard de son frère. Ils n’en ont jamais reparlé », poursuit-elle. « Il ne lui en veut absolument pas… C’est tout le mystère de la gémellité. »
Paris Match