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L’imam iranien et son comparse sénégalais achetaient des bateaux pneumatiques pour les migrants

L’imam iranien et son comparse sénégalais achetaient des bateaux pneumatiques pour les migrants

Ce réfugié politique iranien, prêcheur dans une mosquée de la périphérie de Rouen, a été condamné ce lundi à trois ans de prison dont deux fermes par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.

Dans la cave de ce réfugié politique iranien, imam dans la banlieue de Rouen (Seine-Maritime), ont été retrouvés deux bateaux pneumatiques, trois moteurs et 21 gilets de sauvetage. Écoutes téléphoniques et filatures l’ont géolocalisé non loin de plages du littoral du Pas-de-Calais. Un département où la voie maritime vers la Grande-Bretagne, rappellera le procureur de la République, constitue « une méthode de passage particulière qui a tendance à s’intensifier ».

Mais à la barre du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, Mohammad B., 39 ans, jugé avec un comparse sénégalais pour avoir acheté sept bateaux pneumatiques entre fin 2018 et avril dernier, assure avoir longtemps ignoré que ceux-ci étaient destinés aux migrants désireux de traverser la Manche. « Maintenant, j’ai honte », répète cet homme engoncé dans un long manteau noir dont la petite fille est assise dans la salle – il comparaissait libre, sur renvoi, et son épouse a accouché la veille.

Dans ses propos embrouillés, quasi murmurés, apparaît un mystérieux « Kamal » qui l’aurait contacté par messagerie en ligne pour lui passer commande mais que les policiers n’ont jamais retrouvé. « Comme s’il n’existait pas », soulignera le président pour s’en étonner. C’est pourtant pour lui que le prévenu aurait acheté les embarcations, affirme-t-il, touchant 200 € qu’il partageait avec son ami sénégalais – Mouhamed W., 29 ans, habitant de Petit-Couronne lui aussi et fidèle de sa mosquée. Un gain dérisoire au regard des milliers d’euros – jusqu’à 10 000- déboursés par les prétendants au passage. Son cadet, contrit, explique en balbutiant que ces achats répétés de pneumatiques ne l’étonnaient pas. « J’ai déjà vendu des voitures sur Le Bon coin, je me suis dit que c’était possible d’acheter des bateaux », avance-t-il.

Sa petite fille éclate en sanglots
Mohammad B. l’Iranien a fait le choix d’aligner sa ligne de défense sur celle de son cadet. Tant et si bien que rien ne transparaît de ses motivations. Agissait-il par solidarité pour des frères d’exil, lui qui a fui les persécutions en 2016 en payant ses passeurs 4 500 $ vers l’Italie ? Ou par simple appât du gain faute de revenus suffisants pour sa famille ? Nul ne le saura tant l’audience laisse de zones d’ombre. Dans un tribunal où les affaires d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier forment le quotidien des comparutions immédiates, son profil avait pourtant de quoi intriguer.

Militant de la cause kurde, professeur d’arabe en Iran, où il a été plusieurs fois incarcéré, Mohammad B., arrivé en France en août 2016, devenu imam, est aussi étudiant en 2e année de médecine. Un « parcours difficile », un « chemin droit », dans lequel il n’y aurait eu qu’« un écart », tentera son avocate, plaidant de toutes ses forces pour lui éviter le mandat de dépôt à l’audience.

En vain. Allant au-delà des réquisitions du parquet, le tribunal a condamné l’imam à trois ans de prison, dont deux fermes, et l’a envoyé dormir en prison. Saisi d’un malaise, il s’est effondré, tandis que sa petite fille éclatait en sanglots. Le président, du haut de son estrade, a rappelé : « Nous avons tenu compte de la particulière gravité des faits et des risques encourus : on parle de trafic d’êtres humains, monsieur. »

avec Pascale Égré

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