L’afflux de migrants à Lampedusa diminue vendredi et les autorités italiennes transfèrent vers la Sicile et le continent des milliers de personnes arrivées cette semaine par la mer sur cette île de la Méditerranée proche des côtes nord-africaines.
Le président français Emmanuel Macron a défendu le même jour un « devoir de solidarité européenne » avec l’Italie alors que Berlin vient de suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance de ce pays en raison d’une « forte pression migratoire » et du refus de Rome d’appliquer des accords européens.
L’Allemagne semble toutefois également prête à tendre la main à Rome, sous condition : les relocalisations prévues dans le « mécanisme volontaire de solidarité européen » pourront être remises en oeuvre « à tout moment si l’Italie remplit son obligation de reprendre les réfugiés » conformément aux règles de l’UE, a assuré vendredi un porte-parole du gouvernement allemand.
« Nous sommes tellement nombreux ici »
Située à moins de 150 km du littoral tunisien, Lampedusa est l’une des premières escales pour les migrants qui franchissent la Méditerranée en espérant gagner l’Europe. Chaque année, pendant l’été, ils sont des dizaines de milliers à prendre la mer sur des embarcations souvent vétustes pour tenter cette traversée périlleuse dans laquelle plus de 2.000 d’entre eux ont déjà trouvé la mort depuis janvier.
La situation n’a cependant jamais été aussi tendue à Lampedusa où est arrivée la majorité des 11.000 migrants parvenus depuis lundi sur le territoire italien, selon le ministère de l’Intérieur, saturant le centre d’accueil géré par la Croix-Rouge italienne (CRI) et dont la capacité est de 400 places.
Federico Fossi, le porte-parole du HCR, a dit à l’AFP que 8.512 personnes avaient débarqué sur l’île entre lundi et mercredi, plus que la population locale. Faute de place dans le centre d’accueil, des centaines de personnes ont dû dormir dehors, dans la rue, bénéficiant parfois de la générosité de la population qui leur apporte de l’eau et de la nourriture.
Un jeune Gambien nommé Omar est assis à l’ombre, attendant un bus. « Ici, ce n’est pas facile », soupire-t-il. « Nous sommes tellement nombreux ici (…), même manger est un problème », explique-t-il, racontant vouloir rejoindre son frère aux Pays-Bas après six mois d’un périple dangereux à travers le Sahel.
Un total de plus de 127.000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes depuis le début de l’année, près du double par rapport à la même période en 2022. Les chiffres n’ont toutefois pas encore dépassé ceux de 2016, lorsque plus de 181.000 personnes, dont beaucoup de Syriens qui fuyaient la guerre, étaient parvenues en Italie.
Inquiétudes en Europe
Ces arrivées ont provoqué de nombreuses réactions politiques, tant en Italie que dans les pays voisins. La situation à Lampedusa montre que « les approches strictement nationalistes ont leurs limites », a lancé Emmanuel Macron vendredi, souhaitant ne pas « laisser seule l’Italie avec ce qu’elle vit aujourd’hui », sans dire si la France accueillerait des migrants de Lampedusa.
Les relations entre ces deux pays s’étaient crispées en novembre 2022 lorsque l’Italie avait refusé d’accueillir le navire humanitaire Ocean Viking et les 230 migrants à son bord, poussant Paris à le laisser accoster tout en dénonçant le comportement « inacceptable » de Rome.
La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, à la tête du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, reproche aux autres Etats européens de ne pas prendre leur part dans l’accueil des migrants alors que l’Italie est en première ligne.
« L’action de la seule Italie ne suffit pas », a répété vendredi le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani qui doit se rendre prochainement à Paris et à Berlin. De fait, les Européens ne doivent « pas laisser l’Italie seule face à ce qu’elle vit », a insisté M. Macron, invoquant « la responsabilité de l’Union européenne tout entière ».
La France et l’Italie veulent agir ensemble au niveau européen pour renforcer la « prévention des départs de migrants » et lutter « contre les passeurs », a déclaré vendredi le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Matteo Piantedosi, son homologue italien, a parlé vendredi avec lui et ils ont convenu qu’il fallait « avant tout un renforcement rapide de la coopération opérationnelle » avec les pays de départ afin de « bloquer » les nouvelles traversées. L’UE et la Tunisie ont signé en juillet un accord en ce sens, en échange d’une aide financière à ce pays nord-africain confronté à de graves difficultés économiques.
La Ligue anti-immigration de Matteo Salvini, membre de la coalition au pouvoir, a tiré à boulets rouges ces dernières heures sur cet accord. Pour le député Andrea Crippa, « le gouvernement de la Tunisie, c’est évident, a déclaré la guerre à l’Italie » en laissant partir un grand nombre de bateaux en peu de temps.