Site icon Senef.fr

L’ascenseur freiné des enfants d’immigrés

L’ascenseur freiné des enfants d’immigrés

Les enfants d'immigrés occupent davantger des métiers ouvriers. Ici sur le chantier d'une éolienne dans l'Aude

Nés en France, ils exercent des métiers plus diversifiés et qualifiés que leurs parents, mais peinent toujours à trouver un travail.

Leurs parents étaient ouvriers chez Peugeot, sidérurgistes chez Usinor ou femmes de ménage, ils sont désormais, pour une partie d’entre eux, conseillers financiers, chargés de com, cadres dans la grande distribution, artistes ou encore directeurs de production. Alors que les immigrés d’Afrique du Nord et subsaharienne occupaient massivement des emplois peu ou pas qualifiés dans l’industrie, leur descendance, bon an mal an, irrigue aujourd’hui l’ensemble des catégories socioprofessionnelles.

Ouvriers

Ainsi, selon l’Insee, cinq ans après leur sortie du système éducatif, les descendants d’immigrés africains, lorsqu’ils ont un emploi, occupent pour 14% d’entre eux des postes de cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure. «Une proportion peu éloignée de celle des descendants de natifs de France (16%) ou d’immigrés d’Europe du Sud (13%)», relève le chercheur Stéphane Jugnot, auteur d’une étude sur le sujet. Ils sont en revanche plus souvent que les autres ouvriers et employés, et moins sur des emplois relevant de professions intermédiaires.

Ce saut «qualitatif» dans l’emploi entre les deux générations est aussi très visible dans une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined), effectuée sur un champ plus large (18-50 ans). Pour les enfants masculins d’immigrés algériens, par exemple, alors que leurs pères étaient à 73% ouvriers, ils ne sont plus «que» 47% à l’être. Ils sont également 8% à relever de la catégorie «cadre», contre tout juste 1% pour leurs pères. Globalement, donc, la répartition professionnelle de la deuxième génération de l’immigration africaine commence à ressembler à celle des non-immigrés.

Sauf qu’il ne s’agit que de la population qui occupe un emploi. Or les enfants d’immigrés sont beaucoup moins souvent en emploi que les autres. Et avant même d’y accéder, leur insertion professionnelle relève d’un parcours du combattant autrement plus redoutable que celui des enfants des «natifs de France».

Les descendants d’immigrés africains sortis depuis trois ans du système scolaire sont ainsi 60% à occuper un emploi, contre 79% pour les autres. Soit près de 20 points de différence. Et 25% sont chômeurs… contre 11% pour les descendants de natifs de France. Ils sont également bien plus souvent confrontés à la précarité dans leur parcours d’insertion : «Alors que 61% des descendants de natifs […] ont connu un « accès durable et rapide à l’emploi », les descendants d’immigrés d’Afrique ne sont que 40%»,relève l’Insee. Et parmi ces derniers, «29% connaissent des trajectoires de décrochage de l’emploi ou de chômage récurrent ou persistant, soit deux fois plus que pour les autres». Au final, cinq ans après la sortie du système scolaire, ceux en emploi sont 67% en CDI (contre 74% pour les autres) et 9% en intérim, contre 3% pour les enfants de natifs de France.

La majeure partie de cette différence de situation sur le marché du travail relève évidemment du parcours de formation : 30% des descendants d’immigrés africains sont sortis de formation initiale sans aucun diplôme, contre 15% pour les enfants de natifs de France ou d’immigrés d’Europe du Sud. «A l’autre extrémité de l’échelle des diplômes, les descendants d’immigrés d’Afrique accèdent beaucoup moins souvent à un diplôme de niveau bac +3 ou plus», note l’Insee.

Stratégies

Et sans surprise, le poids des origines sociales pèse dans ce moindre accès à la qualification des enfants d’immigrés africains. Parents plus souvent ouvriers, employés ou chômeurs, moins bonne maîtrise de la langue et des stratégies scolaires, conditions de travail à la maison dégradées : autant de facteurs qui conduisent à ces inégalités de qualification «que le système scolaire ne parvient pas à réduire», selon Stéphane Jugnot. Un vrai gâchis, car lorsque ces critères sont neutralisés (origine sociale, niveau de diplôme des parents, structure familiale et taille de la fratrie), «la réussite dans le secondaire des descendants d’immigrés n’est pas moins bonne que celle des descendants de natifs».Le risque d’une sortie anticipée du système éducatif «serait même moindre « toutes choses égales par ailleurs », notamment pour les descendants d’immigrés du Maghreb».

 

 

Source : Libération

 

Quitter la version mobile