S’estimant victime d’une escroquerie sentimentale, manipulée par un homme qui ne l’aurait épousée que pour obtenir des papiers, Danielle a saisi la justice. Le tribunal se prononce ce mardi.
« Avec les yeux de l’amour, tout allait bien. Mais un jour, il a tombé le masque. En une seconde, il est devenu un autre homme. En fait, il m’avait joué la comédie pour avoir des papiers… » Danielle, qui se dit victime d’une escroquerie sentimentale, veut faire annuler son mariage, célébré il y a huit ans en Tunisie et transcrit en France. Ce mardi, les juges se prononceront sur l’annulation de son union avec un homme de presque trente ans son cadet.
Dans son appartement coquettement arrangé, dans le quartier du Noyer-Doré à Antony, la sexagénaire déroule son histoire. « Je l’ai connu en 2008, raconte Danielle. J’étais en dépression après une séparation, ma fille était tombée malade. Je suis partie en vacances en Tunisie, à Hammamet… » Alors âgée 56 ans, elle s’amuse, fait la fête. Le soir, quand elle rejoint sa chambre, elle croise toujours un jeune gardien de l’hôtel. « Le dernier soir, on a discuté. Le lendemain les vacances étaient finies et on a commencé à s’appeler régulièrement. »
La quinquagénaire est séduite par cet homme qui a la moitié de son âge. « Je suis repartie quelques mois plus tard en Tunisie. Il m’attendait à l’aéroport avec un bouquet de fleurs, chauffeur de taxi… Puis j’ai rencontré sa famille. Et il a commencé à parler mariage. »
Mise en garde au consulat
Laborantine pendant 25 ans, cette femme gagnait très correctement sa vie. Pas celui pour lequel elle était en train de fondre. « Avant de nous marier, nous avons été reçus au consulat pour obtenir le certificat de capacité à mariage. Séparément puis ensemble. La dame qui m’a reçue m’a mise en garde. Elle m’a expliqué qu’avec une telle différence d’âge, il pouvait vouloir se marier pour obtenir un titre de séjour en France. Elle m’a même dit que ça durerait quatre ans. »
« Quatre ans, c’est la durée au-delà de laquelle on ne peut pas remettre le titre de séjour en doute, précise Me Chloé Belloy, l’avocate de Danielle. La loi a changé et ce délai est maintenant porté à cinq ans. »
Reste que quelques mois après leur rencontre, les amants se marient. « J’ai tout payé », assure Danielle. Puis son jeune mari la rejoint à Antony. « Notre vie s’est mise en place. Une vie de couple normale, je n’ai jamais rien ressenti d’anormal. » Jusqu’à ce jour où elle découvre « des photos d’une autre femme sur l’ordinateur ». Puis cet instant où « tout a basculé », en septembre 2014. « D’un coup, il a changé de tête et m’a dit qu’on allait divorcer. Il ne m’avait épousé que pour les papiers. J’ai été manipulée. »
La plainte que Danielle avait initialement déposée a été classée sans suite. Me Chloé Belloy le déplore : « Démontrer l’infraction est difficile. Alors malheureusement, le parquet classe et abandonne trop souvent les victimes de ces escroqueries. Il existe pourtant un arsenal juridique renforcé. » C’est donc vers la justice civile que Danielle s’est tournée pour obtenir l’annulation de son union.
Une trentaine de procédures par an dans les Hauts-de-Seine
Faire reconnaître un « mariage gris » est assez rare. Même si depuis une loi de 2011, l’étranger qui a contracté un mariage en dissimulant ses intentions à son conjoint risque les mêmes peines que les époux unis dans le cadre de mariages blancs.
« Quand il y a eu vie commune, il est assez difficile de prouver que le mariage n’avait d’autre but que l’obtention de titre de séjour ou de la nationalité. La plupart des plaintes sont classées sans suite », souligne un magistrat de Nanterre.
En 2017 dans les Hauts-de-Seine, 23 personnes ont saisi la justice pour un mariage frauduleux, un mariage gris ou à cause de la polygamie d’un époux. L’année précédente, 35 personnes avaient fait la démarche.
Quand la mairie a un doute sur la sincérité d’un époux, ou des époux en cas de mariage blanc, elle le signale au parquet qui déclenche une enquête. Ainsi, depuis le début de l’année, le parquet s’est opposé à trois unions. Il en a empêché 13 les deux années précédentes.
Le Parisien