Très inquiète pour la santé mentale des demandeurs d’asile sur les îles grecques, l’association MSF demande leur transfert immédiat vers le continent.
Ils ont fui la guerre, la violence et la mort dans leur pays d’origine, en Syrie, en Irak, au Cameroun, en Afghanistan ou au Sénégal. Via la Turquie, ils ont rejoint l’Europe en espérant y trouver une vie meilleure, pour eux ou leurs enfants.
Coincés dans des centres de rétention surpeuplés sur les îles grecques de Samos et Lesbos, parfois pendant plusieurs mois, de nombreux demandeurs d’asile souffrent d’anxiété, de dépression et de pensées suicidaires. Une « crise de la santé mentale » dramatique et aggravée par des conditions de vie très précaires selon les équipes de Médecins Sans frontières (MSF), qui publient un nouveau rapport ce mardi.
Conduits au désespoir
« Ces personnes ont survécu à des bombardements, à des violences extrêmes, à des événements traumatiques dans leurs pays d’origine ou pendant leur trajet vers l’Europe », confie Jayne Grimes, qui coordonne les activités de santé mentale de MSF sur l’île de Samos. « Il est honteux de constater que c’est ce qu’ils vivent sur les îles grecques qui les conduit au désespoir, voire à s’automutiler. Nos équipes voient tous les jours des patients qui leur disent qu’ils auraient préféré mourir dans leur pays qu’être piégés ici. »
Augmentation des violences
À Lesbos, une femme afghane de 30 ans témoigne: « Ma fille a cinq ans. Elle ne parle presque plus. Mon mari n’arrive plus à dormir. Je me réveille la nuit en me demandant ce qui va nous arriver, ce qu’on aurait pu faire différemment. Parfois, je me mets à trembler. Le stress, la peur, la tristesse, c’est trop à supporter. » En mars 2016, la Turquie et l’Union européenne ont conclu un accord afin de réduire l’arrivée de réfugiés en Europe. Selon les statistiques de MSF, les personnes arrivées en Grèce après la signature de l’accord ont subi davantage de violences que celles arrivées auparavant. Entre 50% et 70% des violences auraient été commises par les forces de l’ordre.
Huit mois pour voir un psy
Actuellement, on estime le nombre de migrants sur les îles grecques à 15.000 personnes, notamment dans les camps de Moria et Vathy. Mais les logements et les services de santé ne sont pas adaptés aux besoins des familles. « Cet été, six ou sept patients en moyenne se présentaient chaque semaine au dispensaire de MSF à Lesbos avec des besoins aigus liés à des tentatives de suicide, des actes d’automutilation ou des épisodes psychotiques.
Le nombre de patients se rendant au dispensaire avait augmenté de 50% comparé au trimestre précédent », indique l’organisation. Submergées, les cliniques ne peuvent plus accepter de nouveaux patients s’il ne s’agit pas d’une urgence. « J’ai été torturé dans une prison syrienne pendant des mois. Puis je suis venu ici et j’ai été à l’hôpital, parce j’étais traumatisé. Ils m’ont dit que je devais attendre huit mois pour voir un psychiatre. J’ai cru que j’allais mourir », raconte un Syrien de 41 ans.
Responsables de cette souffrance
Il y a au moins quinze tentatives de suicide par mois dans le camp de Moria. « La situation est insupportable », explique un psychologue de MSF. « Nous faisons de notre mieux pour aider ceux que nous pouvons, mais la situation dans laquelle ils se trouvent est tellement horrible. » Aujourd’hui, l’association demande aux autorités de transférer immédiatement les demandeurs d’asile vers le continent, et de renforcer de toute urgence l’offre de soins de santé mentale. « Déplacer ces personnes sur le continent est un impératif humanitaire », précise Louise Roland-Gosselin, responsable des activités de plaidoyer de MSF en Grèce. « Les autorités européennes et grecques sont directement responsables de cette souffrance. Face à la vulnérabilité extrême de ces personnes, et à l’effondrement des services sur les îles, ils n’ont plus le choix. »