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Il était inconcevable, aux yeux des racistes, que les Africains soient capables de produire des œuvres d’art de cette qualité

Le musée du quai Branly – Jacques Chirac accueille une prestigieuse exposition d’art africain avec des œuvres parmi les plus cotées du marché…

Le musée du quai Branly fait l’événement avec son exposition Forêts natales, arts d’Afrique équatoriale atlantique (jusqu’au 21 janvier 2018).

Yves Le Fur, commissaire de l’exposition et directeur des collections du musée parisien, a rassemblé des chefs-d’œuvre de la sculpture africaine datant du XVIe au début du XXe siècle, et justifie ce choix : « Ce sont les œuvres qui ont la plus forte portée esthétique à mes yeux. Par exemple, ces masques dits de « jeunes filles mortes »…

Il y a eu une histoire disant qu’ils étaient à bord d’un bateau venu du Japon qui aurait fait naufrage au large des côtes africaines. C’est une rumeur absurde bien sûr, mais cela montre bien qu’il était inconcevable, aux yeux des racistes, que les Africains soient capables de produire des œuvres de cette qualité. »

A travers une présentation par zones géographiques (et tribus d’origine) et types d’objet, le musée adopte une typologie d’exposition très classique et formelle. Pour Yves Le Fur, l’art des tribus Fang, Kwele ou Punu peut aisément être traité comme n’importe quelle forme d’art : « Regardez ces masques Galwa ! Il y a des allers-retours entre figuratif et abstraction, une complexité des styles… La forte géométrisation des masques révèle une abstraction à la fois simple et extraordinaire, une construction savante. »

« D’ailleurs, il y avait une critique esthétique dans ces sociétés-là aussi. Il y avait des artistes réputés, des formes qui plaisaient plus que d’autres. On décèle une aptitude pour inventer des formes, rien n’est jamais figé. »

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Un impact et des relations avec les artistes occidentaux
« Les artistes du monde entier ont été fascinés par ces œuvres quand ils les ont découvertes », raconte, en connaissance de cause Yves Le Fur, déjà commissaire, il y a quelques mois, de la désormais mythique exposition Picasso Primitif. Mais les ponts entre art africain de cette zone et le monde occidental dépassent largement le cadre du surréalisme. Ainsi, l’exposition a la particularité de présenter les œuvres les plus prisées du marché, et donc les plus chères, depuis Paul Guillaume.

« Certaines de ces pièces sont parvenues en Europe très tôt puisqu’elles servaient de monnaies d’échange, notamment avec le Portugal. Ensuite, il y a eu de nombreux trafics. Certaines œuvres du musée de l’Homme qui avait été collectées en Afrique ont ensuite été volées pour être revendues illégalement. » Si l’exposition met naturellement à l’honneur les riches collections du musée du quai Branly, plusieurs pièces ont été prêtées par des collectionneurs privés.

« Une force, un raffinement, une expressivité »
En déambulant dans l’exposition, Yves Le Fur attire notre attention sur certains détails aussi bien que sur des points communs entre différentes œuvres. « Dans les statuettes qui ornaient des reliquaires, on voit souvent des statuettes avec des corps infantiles, qui marquent le cycle de continuité de la vie, et des têtes un peu… alien, pas humaines, qui signalent un ailleurs. Même la position des mains donne une injonction contradictoire qui accueille et repousse à la fois. »

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L’ensemble d’œuvres, très riche, garde malgré tout une cohérence. « C’est une région assez vaste où l’on trouve les mêmes types de rituels, que ce soit avec des masques ou avec ces statuettes de reliquaires. Dans ces œuvres, il y a toujours une polysémie d’interprétation qui nourrie le rite initiatique. On accède à différents niveaux de connaissance et d’analyse en côtoyant les anciens qui savent lire l’abstraction de ces œuvres. »

Tout comme le visiteur de l’exposition accède à différentes émotions au fur et à mesure de sa déambulation éducative. « Il y a une force, un raffinement, une expressivité… C’est à chacun de le ressentir… », explique Yves Le Fur en s’attardant sur le « travail de coiffures très sophistiquées » ou les patines éclatantes réalisées avec de la résine, de l’huile et du vin de palme sur certaines statuettes. « Certains collectionneurs passent leurs statuettes au sèche-cheveux pour faire ressortir la patine… »

Pour Yves Le Fur, qui a vécu dans cette région d’Afrique, cette exposition Forêts natales a une dimension particulière, et personnelle. Mais le conservateur sait que ces œuvres sauront toucher un large public par leur beauté universelle.

Le musée: http://www.quaibranly.fr/fr/

Benjamin Chapon

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