Confrontés à une pénurie de main-d’oeuvre, les caseyeurs du Nord-Finistère ont trouvé une alternative : le recours à des marins africains.
Il s’appelle Manga Carvalho, il a 44 ans et vit à Saint-Brieuc. Sous le soleil radieux qui inondait Roscoff, hier après-midi, le quadragénaire africain, originaire de Guinée-Bissau, pays frontalier du Sénégal, a embarqué à bord du Introun Varia an esperans. Non pas pour faire du tourisme mais bien pour travailler comme marin sur ce caseyeur, le plus ancien de la flotte roscovite.
« Ce n’est pas un métier facile. Mais le plus important, c’est de travailler », raconte Manga Carvalho, arrivé en Europe en 1995. Au Portugal d’abord, où il a exercé sur un palangrier. Puis en Espagne, où il a longtemps été marin sur des chalutiers. « Mais là-bas, il n’y a plus de travail », lâche celui qui a débarqué en France « par des connaissances ».
« Je suis bien content qu’ils soient là »
« Je suis bien content qu’ils soient là », confie le patron roscovite Ronan Nicolas, en faisant allusion également à un autre marin, prénommé Faye et sénégalais celui-là, attendu un peu plus tard dans la soirée. « Sans eux, le bateau restait à quai », assure le pêcheur, qui a besoin de cinq hommes à ses côtés pour partir en campagne dix jours. Or, depuis cinq à six ans, le recrutement local est devenu très compliqué pour les patrons des caseyeurs nord-finistériens, dont l’activité correspond à 70 % de la production nationale en tourteaux. Et pourtant, paradoxalement, les écoles de pêche sont pleines…
« Il faut avoir le courage et l’envie de se faire mal »
« Sauf qu’aujourd’hui, les jeunes veulent tout de suite se tourner vers la petite pêche côtière pour avoir leurs week-ends à la maison. Plus personne ne veut aller au large », soupire Jean-Jacques Tanguy, le président du comité des pêches du Finistère.
« Je persiste à penser que le métier de caseyeur a de l’avenir. La ressource est là. Et on est dans le créneau de la pêche durable. Seulement, il faut avoir le courage et l’envie de se faire mal au large plutôt que de se retrouver surbookés dans la bande des 12 milles où les pêcheurs se marchent sur les pieds », relate Jean-Jacques Tanguy, qui évoque « un salaire pas ridicule du tout, avec une rémunération à la part qui dépend du prix du gasoil et de la quantité de la pêche ».
« Il bosse, il est gentil et il s’intègre bien »
« On assure un fixe minimum de 80 € par jour à chaque marin, mais ça monte toujours plus haut », précise Yannick Calvez, patron du Kreiz ar Mor et vice-président du comité des pêches du Finistère. En indiquant que la pêche n’a pas atteint des sommets l’an passé. Conséquence, « certains ne sont pas revenus », regrette le patron, qui a embauché un marin sénégalais il y a quelques semaines.
« Ça s’est fait un peu par hasard », raconte Yannick Calvez, enchanté par cette première expérience. « Il bosse, il est gentil, il s’intègre bien, il n’y a rien à dire », expose celui qui a repris la mer, hier, depuis Douarnenez, direction le golfe de Gascogne. Avec, cette fois, deux Sénégalais à bord.
« Je préfère ça que des bateaux bloqués à quai »
« Quand ils font valider leur brevet de marin chez nous, ils ont le même statut que les Français une fois sur le bateau », note Jean-Jacques Tanguy, en se prémunissant d’éventuelles critiques : « Qu’on ne vienne pas reprocher qu’il y a des jeunes qui restent sur le carreau ! Moi, en tout cas, je préfère voir des marins sénégalais sur les bateaux plutôt que des navires bloqués à quai par manque de main-d’oeuvre ».
Le telegramme