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Drame de Melilla: la pression migratoire aux portes de l’UE débouche sur la violence

Drame de Melilla: la pression migratoire aux portes de l’UE débouche sur la violence

La tentative d’entrée massive de migrants africains vendredi dans l’enclave espagnole de Melilla a conduit à des affrontements « sans précédent » entre clandestins et policiers marocains qui font craindre un engrenage de la violence.

« C’était la guerre. Nous avions des pierres pour nous battre avec les militaires marocains qui nous ont frappé à coup de bâtons », témoigne un Soudanais de 20 ans à qui l’AFP a pu parler samedi dans un centre de rétention à Melilla.

Un autre migrant, détenu dans le même centre, raconte qu’il a grimpé sur la clôture grillagée qui sépare la ville marocaine de Nador de l’enclave espagnole avant qu’un agent sécuritaire ne lui frappe les mains: « Je suis tombé inconscient côté espagnol où j’ai été roué de coups par les forces de l’ordre ».

Ces deux jeunes faisaient partie de près de 2.000 migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui ont tenté de pénétrer par la force vendredi matin dans la cité autonome espagnole de Melilla, située en territoire marocain.

Au moins 23 migrants ont péri et 140 policiers ont été blessés, selon les autorités locales marocaines. C’est le bilan le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l’enclave espagnole voisine de Ceuta, qui constituent les seules frontières terrestres de l’UE avec le continent africain.

Ce n’est pas la première fois que des migrants clandestins, qui campent dans des conditions précaires dans le massif forestier voisin du Gourougou, tentent de rejoindre « l’eldorado européen ».

Violence inédite
Mais cette fois, la violence inédite de l’assaut marque un tournant, selon des experts de la migration.

« C’est la première fois qu’on note une telle violence de la part des migrants vis-à-vis des forces de l’ordre », souligne Omar Naji, qui suit depuis des années les questions migratoires au sein de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador.

Dans le quartier frontalier de Barrio Chino, les habitants marocains sont sous le choc.

« Nous sommes terrorisés par ce qui s’est passé! C’est la première fois qu’on voit des migrants armés de bâtons et de barres de fer viser les forces de l’ordre », explique Issam Ouaâid, 24 ans.

Pour Omar Naji, de l’AMDH,l’escalade de la violence est due à la réconciliation diplomatique entre Rabat et Madrid, après une année de crise, et à la reprise de la coopération en matière de migration illégale.

Situé à la pointe nord-ouest de l’Afrique, le Maroc est un pays de transit pour de nombreux migrants qui cherchent à rejoindre l’Europe, depuis ses côtes atlantique ou méditerranéenne.

La récent rapprochement avec l’Espagne s’est traduit par « une intensification des pressions » sur les clandestins installés dans la forêt du Gourougou, opine M. Naji.

En outre, l’apaisement des relations avec Rabat a entraîné une baisse récente des arrivées de migrants en Espagne.

« Gendarme de l’Europe »
« Les autorités marocaines ont traité les migrants de manière très dure. Elles ont assiégé leurs campements. Il ne fait aucun doute que cette pression a généré la violence sans précédent à laquelle on a assisté », assure le militant des droits humains.

Avant le drame de vendredi, des médias espagnols avaient fait état d’affrontements sporadiques entre migrants et forces de l’ordre marocaines.

Pour Oussmane Ba, président du collectif des communautés subsahariennes au Maroc, « les conditions difficiles dans lesquelles vivent ces migrants les conditionnent psychologiquement à la violence ».

La majorité des nouveaux migrants qui affluent au Maroc viennent du Soudan, en particulier du Darfour, où une nouvelle flambée de violence a récemment fait des centaines de morts et 50.000 déplacés.

Beaucoup passent par la Libye et l’Algérie –malgré une frontière officiellement fermée avec le Maroc– pour arriver dans le royaume chérifien.

Malgré les tentatives de les éloigner de la région de Nador, ils demeurent déterminés à retenter le passage vers l’UE au péril de leur vie.

« On parle de personnes qui attendent ici deux à trois ans. Le Maroc ne peut pas fermer complètement ses frontières pour jouer le rôle de gendarme de l’Europe, cette politique conduira à plus de violence », avertit Omar Naji.

La police marocaine a annoncé avoir mis en échec dimanche matin un plan visant à prendre d’assaut la clôture métallique entre la province de Tétouan (nord du Maroc) et l’enclave de Ceuta. 59 candidats à l’immigration clandestine ont été interpellés, selon la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN).

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