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Diaspora africaine : recherche dons d’ovocytes désespérément

En France, le don est gratuit et anonyme, ce qui réduit drastiquement l’accès des couples d’origine africaine au phénotype noir. Beaucoup font le choix de l’étranger.

« Il y a des nuits où rien ne va, où je ne peux plus surmonter cette situation. » Cela fait cinq ans que Didi, 26 ans, d’origine sénégalaise, attend une donneuse d’ovocytes de phénotype noir. Elle souhaite donner naissance à un enfant qui lui ressemble. A 20 ans, les médecins lui ont diagnostiqué « une insuffisance ovarienne précoce ». Pour la première fois, Didi a entendu ce terme médical devenu aujourd’hui si familier : « Fécondation in vitro [FIV] avec don d’ovocytes ». Le seul moyen pour elle d’avoir un enfant.

Avec son mari, ils font face, même si les médecins les avaient avertis des délais. « L’attente pour l’accès à un don d’ovocytes est plus longue pour les couples noirs, ce qui retarde la prise en charge de ces patients », confie le professeur Nathalie Rives, présidente de la Fédération des Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos). De manière générale, en France, le nombre d’ovocytes reste « insuffisant » avec « un délai d’attente qui peut durer plusieurs années », note l’Agence de biomédecine. En 2014, il y avait seulement 501 donneuses pour 2 452 couples en demande.

Convaincre les femmes noires de donner

Malgré la persévérance de certains médecins qui tentent de créer une chaîne de solidarité pour rendre le don plus rapide, les donneuses d’ovocytes de phénotype noir sont rares, reconnaît Nathalie Rives. Pour pallier ce manque, Sandrine, 34 ans, originaire du Cameroun, s’active sur la Toile. Cette jeune femme souffrant d’infertilité a créé un site, Donovocyteafricain, et un groupe Facebook, Une Fée noire pour un don d’ovocytes, afin de convaincre les femmes noires de donner. Même si l’effort est remarquable, il est insuffisant pour renverser la tendance.

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Devant cette situation, les médecins encouragent les couples à chercher une donneuse dans leur entourage. Même si ces ovocytes, en vertu du principe d’anonymat, ne servent pas directement au couple recruteur, ils accroissent la ressource ovocytaire et réduisent le délai d’attente pour avoir accès à un don. « Une procédure qui, selon l’anthropologue Véronique Duchesne, est souvent mal acceptée par ces femmes qui pensaient pouvoir bénéficier d’un don direct intrafamilial. » Quand elle a su qu’il lui fallait un don d’ovocytes, Laury, 41 ans à l’époque, originaire du Cameroun, a immédiatement demandé à sa sœur. Non pas pour « remonter dans la liste d’attente », mais pour que son « enfant possède ses gènes ». Elle est donc partie en Belgique, où la loi autorise le don direct.

A l’instar de Laury, elles sont nombreuses à avoir franchi la frontière pour espérer avoir un enfant et ce, même si leur parcours de procréation médicalement assistée (PMA) est totalement pris en charge en France. Aujourd’hui, Didi économise pour aller en Espagne : 6 900 euros pour une FIV avec don d’ovocytes. « J’ai perdu tout espoir d’avoir un enfant en France. Je ne peux plus attendre », confie la jeune femme. Même constat pour Sandrine qui a choisi le Portugal et Ursula, 39 ans, qui a opté pour le Cameroun.

Des donneuses rétribuées

Dans ces pays, les donneuses d’ovocytes sont rétribuées, à la différence de la France, où cependant elles bénéficient d’une prise en charge à 100 % des actes médicaux et des frais généraux engagés à l’occasion du don. Conséquence, les délais d’attente diminuent, passant de quelques années à quelques mois.

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« Ces femmes ne vont pas donner leurs ovocytes en France alors qu’elles savent que dans leur pays d’origine, elles pourraient être rémunérées », souligne Guy Sandjon, médecin chef du centre de PMA de la Clinique de l’aéroport de Douala, au Cameroun, qui paye les donneuses d’ovocytes 350 euros, « l’équivalent du coût d’une année universitaire ».

En 2016, 23 couples français d’origine africaine ont franchi les portes de son établissement pour une FIV avec don d’ovocytes, ce qui correspond à environ 4 % de sa patientèle. Ursula et son mari en font partie. Après une tentative infructueuse en Espagne, Ursula s’est tournée vers son pays d’origine en raison notamment de ses tarifs avantageux : environ 4 000 euros pour une FIV avec don d’ovocytes. Un choix inenvisageable pour Sandrine qui aurait eu peur de se confronter aux questions de sa famille restée au pays.

Comme elle, beaucoup de ces femmes ont eu du mal à parler de leur stérilité. « Même si elles sont nées en France, elles ne sont pas coupées de leur pays d’origine. Elles subissent la pression sociale. En Afrique, une personne qui est stérile ne respecte pas le pacte social et se met dans une forme d’infraction envers la société », observe l’anthropologue Doris Bonnet qui a codirigé avec Véronique Duchesne Procréation médicale et mondialisation. Expériences africaines (L’Harmattan, 2016). Du fait de leur « inutilité », certaines femmes ont été violentées par leur mari ou craignent d’être abandonnées par lui. Alors, quand les médecins leur proposent des donneuses d’ovocytes de type caucasien, plus accessibles, beaucoup refusent par peur du rejet.

 

Le Monde
Stéphanie Plasse

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