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Des migrants de retour racontent leurs misères

Des migrants de retour racontent leurs misères

Le retour des migrants a toujours été difficile pour certains. Parler aussi de leur périple est encore plus délicat. Des jeunes revenus de l’enfer et leurs proches ont raconté ce qu’ils ont vécu lors de ce voyage au cours duquel ils ont frôlé la mort et vu leurs proches partir pour ne jamais revenir.

En cette matinée ensoleillée, le village de Pointe Sarène, dans le département de Mbour, commune de Malicounda, a retrouvé son train quotidien. Et sur la route qui mène à la plage, un groupe de jeunes prépare les filets avant de partir en mer pour une journée de pêche. Les femmes de leur côté ont envahi les étals tenus par d’autres braves dames en vue de trouver des condiments devant aller dans la préparation du repas de la journée.

Ce village peuplé de pêcheurs n’est sans doute pas épargné par le phénomène de l’émigration irrégulière comme dans la plupart des endroits de cette zone de la Petite Côte. Si la pêche est une des activités qui rythment la vie des habitants, néanmoins de nombreux jeunes rêvent de quitter la localité à la quête d’un avenir meilleur en empruntant les voies irrégulières. Des aventures qui échouent souvent.

Beaucoup de jeunes de ce village de pêcheurs ont perdu la vie en tentant de rallier l’Europe par la mer. D’autres sont rentrés au bercail et rencontrent aujourd’hui d’énormes difficultés. Du coup, Pointe Sarène compte de nombreux ex-candidats à l’émigration. Ils cherchent à s’insérer dans la société grâce à l’Organisation de la migration (OIM) à travers son projet « Migrants comme messagers (MAM) ».

Idy Diallo, un tailleur d’une trentaine d’années, explique sa tentative de rejoindre l’Europe par la mer du fait que les jeunes du village n’arrivaient plus à satisfaire leurs besoins et ceux de leurs parents à cause de pandémie liée au Covid-19. Il continue de ressasser les souvenirs de cette aventure périlleuse. « C’est une petite embarcation qui est venue nous chercher sur la plage pour nous transporter jusqu’à la grande pirogue à bord de laquelle nous avons voyagé.

Les problèmes ont commencé avant même de monter à bord. Et au cours du voyage aussi, nous étions confrontés à d’énormes difficultés », a expliqué Diallo vêtu d’un t-shirt blanc et assis sur sa machine, entouré de ses deux apprentis. L’odeur des tissus non encore coupés accueillent le visiteur.

L’accident de pirogue et la mort de sept jeunes du village caché aux familles
Dans son atelier, le migrant de retour raconte que dans cette embarcation où se trouvaient d’autres jeunes de son village, il fallait faire valoir un grand caractère pour se défendre. Les plus fragiles étant mal traités dans la pirogue.

Malheureusement pour eux, la pirogue prend eau. Gagnés par la fatigue, beaucoup parmi les voyageurs perdent alors la vie. « Nous avons jeté les corps à la mer avant que les secours ne viennent. C’est à l’hôpital que j’ai appelé ma famille pour les rassurer que je suis en vie et que des jeunes du village sont morts », raconte-t-il.

A Pointe Sarène, les parents n’étaient pas souvent au courant des projets de voyage de leurs fils. C’est le cas de Ndèye Fatou Ndiaye dont le fils fait partie de ceux qui ont tenté d’émigrer. « Un jour, tout le village s’est réveillé et on demandait les nouvelles des uns et des autres. On a appris que les jeunes avaient pris la pirogue pour partir en Europe.

Quelques jours plus tard, tôt le matin, notre maison était remplie de monde et je me suis dit, tout de suite, que mon fils est mort », se souvient la dame. La famille a essayé de lui cacher l’accident de la pirogue en mer et la mort de sept jeunes du village dont l’homonyme de son époux qui vivait dans la maison.

A la mosquée, les hommes préparaient les corps avant l’inhumation. C’est à ce moment que Ndèye Fatou Ndiaye a réalisé que des jeunes du village sont morts en mer. Son fils Ousmane Kane faisait partie des survivants qui sont revenus sains et saufs de ce périlleux voyage. Le jeune que nous avons trouvé chez lui raconte le voyage périlleux.

« Sur les 150 passagers, je suis le seul survivant. Tous les autres sont morts en mer. Certains déliraient quelques heures après notre départ à cause des difficultés rencontrées en mer », se souvient le jeune. Avec lui, il avait d’autres fils du village dont des proches.

Une deuxième tentative
Il rappelle que dans leurs délires, certains avaient perdu la tête et disaient qu’ils allaient prier, avant de se jeter à l’eau. Lui s’est retrouvé en Mauritanie où il s’est réveillé. « C’est à l’hôpital que j’ai pu passer un appel à ma famille pour les informer de ma situation et de celle des autres », ajoute le jeune homme qui bénéficie actuellement du projet MAM de l’OIM. « Ce voyage était ma deuxième tentative. La première ayant échoué à cause d’un problème technique lié au nombre important de candidats qui ne pouvaient pas tous monter à bord. Ce qui a écourté ce voyage ».

Pour cette première tentative, il était avec son meilleur ami, Ibrahima Niang. Ce jeune pêcheur n’a pas tenté une deuxième fois, car dissuadé par l’échec du premier essai. « Une petite embarcation nous a amenés jusqu’au grand bleu, un peu plus loin de la plage. Une fois que nous y sommes arrivés, on s’est rendu compte que les choses allaient être compliquées pour nous. C’est cela qui a fait échouer notre voyage. Je n’ai pas réessayé parce que c’était risqué », a dit le pêcheur qui travaillait en Gambie.

Il explique qu’ils ont été motivés par les témoignages de leurs oncles, frères et proches qui ont tenté l’aventure et ont réussi. Il souligne qu’il n’a jamais été mis au courant du second voyage de son ami Ousmane. Il raconte que c’est quand il est venu saluer la famille qu’il a été informé que son ami a repris la mer. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont revenus et ont repris leurs activités grâce à l’OIM.

Moustapha DIA

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