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De Pissevin à la Légion d’honneur, la riche carrière du lieutenant-colonel Fara NDOYE

Le 14 juillet dernier, Fara N’doye a reçu la médaille de la Légion d’honneur au grade de chevalier lors de la cérémonie organisée à Nîmes. Une consécration sur sa terre natale pour ce lieutenant-colonel de gendarmerie âgé de 58 ans qui a participé à la guerre en Bosnie-Herzégovine, à la lutte contre le trafic de drogue dans les Antilles ou encore à l’opération Barkhane au Mali. Portrait.

D’origine sénégalaise par ses deux parents, Fara N’doye est le fils d’une aide-soignante et d’un militaire. Avant de s’installer à Nîmes, son père a entre autre participé au débarquement en Provence en août 1944, durant la Seconde Guerre Mondiale et à la guerre d’Indochine. « Il y a une attirance pour tout ce qui relève de l’uniforme », concède l’homme né en 1962 qui vécut dans la capitale gardoise jusqu’à ses 21 ans, habitant dans les quartiers du Chemin bas d’Avignon, de Pissevin ainsi qu’à Courbessac.

« C’était une période moins mouvementée qu’aujourd’hui. Il faisait bon y vivre dans un contexte de mixité », se souvient-il. Un Nîmois très attaché à sa ville, passionné de football, qui se rendait au stade Marcel-Rouvière pour voir s’entraîner André Kabyle, dont il était fan, et les Crocos.

Après le collège Jules-Vallès du Mas de Mingue – aujourd’hui détruit – et le lycée Alphonse-Daudet , il étudie les langues à Montpellier. Sans avoir une idée précise de son avenir, il choisit cette option car il est à l’aise. C’est au retour de son service militaire et après un court passage aux services fiscaux de Nîmes, qu’il ressent l’envie de présenter le concours de sous-officier de la gendarmerie.

Diplômé de l’école de Montluçon, il est affecté à Franconville avant de se retrouver à Bessèges. En 1995, il participe à la création de la brigade de recherches de Lunel afin de lutter contre les deals de rue (héroïne et cannabis), les braquages, les cambriolages ou encore le proxénétisme. « C’était une verrue en centre-ville. » Durant cette période, Fara postule à un appel à volontaires lancé par la gendarmerie qui recherchait du personnel maîtrisant l’anglais pour travailler avec l’ONU lors du conflit qui opposait les Serbes, Croates et musulmans en ex-Yougoslavie.


En mission lors de la visite de Jean-Paul II à Sarajevo

« Je voulais vivre autre chose. Je me suis retrouvé dans une zone au sud de la Croatie occupée par la communauté serbe.

C’était une période assez tendue. Il nous est arrivé plusieurs fois d’être assigné à résidence dans un camp de l’ONU. »

Sa mission consistait à s’interposer entre les différentes communautés, à encadrer les échanges de sépultures et à former les nouveaux policiers.

Le Gardois effectue une deuxième mission lors de cette même guerre, plus apaisée, en Bosnie-Herzégovine avec pour rôle de protéger les convois composés de membres du gouvernement. « J’ai le souvenir d’avoir travaillé sur la toute première visite du pape Jean-Paul II à Sarajevo où tout s’était bien passé. » Une venue symbolique en avril 1997.

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Après cette première expérience à l’étranger, Fara reprend un temps ses études et devient officier motocycliste. Il prend la tête du peloton d’autoroute de Chanas sur l’autoroute A7 au sud de Lyon (2001-2004), avant de commander successivement les Escadrons départementaux de sécurité routière (EDSR) du Gers (2004-2007), de l’Île de la Réunion (2007-2010) et de l’Aude (2010-2014).

Après un poste de co-directeur du Centre régional d’information et de coordination routière (CRICR) d’Auvergne-Rhône-Alpes à Lyon, le quinquagénaire a encore des envies de voyage. Il répond à une candidature pour retourner aux Antilles et rejoindre la Direction centrale de police judiciaire avec un détachement au profit de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS).

De la lutte contre le trafic de drogue à l’opération Barkhane
Une mission au cœur du réacteur à traquer les narco-trafiquants sud-américains de cocaïne et d’herbe sur des trafics internationaux.

« Là les saisies se chiffrent en tonnes. Je n’avais jamais vu de quantités pareilles. C’est une autre dimension. »

Des longues enquêtes pour saisir des voiliers ou des containers destinés à inonder le marché européen.

« Il y a aussi des gens qui se font rémunérer pour ingérer de la cocaïne et qui sont récupérés à l’aéroport, puis mis à l’hôtel pour faire évacuer la drogue. En 2016, on a déploré le décès d’une jeune fille car la drogue a explosé à l’intérieur de son organisme et elle a fait une overdose. » Un quotidien animé, parfois dramatique, auquel le Nîmois doit mettre fin pour être au chevet de son épouse.

Un retour à Lyon où depuis 2017, il exerce les fonctions de commandant de la Section d’appui judiciaire (SAJ) Auvergne-Rhône-Alpes à Lyon-Sathonay, un service chargé d’apporter son expertise dans le cadre d’enquêtes portant sur la grande criminalité et le crime organisé. Mais le fan des Crocos n’est pas rassasié et se porte volontaire pour se rendre au Mali de septembre 2020 à février 2021 dans le cadre de l’opération Barkhane pour diriger la gendarmerie prévôtale, une police judiciaire militaire.

« Partout où vous avez des forces armées, vous avez un détachement de gendarmerie. Sur la base de Gao, vous avez 2 500 militaires donc c’est la vie de la cité : il peut y avoir des vols, des disparitions ou encore des plaintes pour coups et blessures. » Son amour pour le Nîmes Olympique le suit partout à l’image de ce maillot fièrement exposé dans son bureau qui a suscité beaucoup d’interrogations de la part de ses collègues.

« Je suis allé au-delà de mes objectifs »
Pour ce groupement de neuf gendarmes, la mission est aussi d’aider au renseignement et de coopérer avec la gendarmerie locale. Le lieutenant-colonel N’doye s’occupait également de rédiger les procès-verbaux pour acter les décès des soldats français. « Ça m’a paru beaucoup plus dangereux que la Bosnie car mon rôle n’était pas le même.

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Au Mali, l’ennemi est plus diffus. » Une dernière opération extérieure, « c’est la limite d’âge qui m’amène au bout, je suis en retraite dans quelques semaines », ainsi que l’ensemble de sa carrière qui ont été honorés avec sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Plutôt qu’à son lieu d’emploi, il a souhaité recevoir cette distinction à Nîmes lors de la cérémonie du 14 juillet sur ses terres et devant sa famille. Ses deux filles étaient présentes, mais pas son fils de 22 ans qui fait la fierté de son papa car il est… gendarme. « Il a découvert ce que c’étaient les permanences », déclare-t-il avec le sourire.

Après avoir reçu l’ordre national du mérite en 2015, c’est de la plus haute distinction française qu’il a été décoré, de quoi ressentir beaucoup d’émotions. « J’ai eu une pensée pour mes parents et en particulier pour mon père qui, je pense, aurait été fier de voir son fils être honoré de la sorte. » Un couronnement après 36 ans de service et la satisfaction du chemin parcouru : « je suis allé au-delà de mes objectifs. »

Un exemple de réussite qui illustre l’ascension sociale d’un jeune issu de quartiers populaires qui est parvenu à gravir les échelons. « La gendarmerie est une maison qui offre des opportunités, je ne suis pas le seul. Les jeunes des quartiers ne sont pas spécialement attirés par ces métiers qui représentent l’ordre et la loi. Peut-être ne s’imaginent-ils pas que les portes leur sont ouvertes. »

Un public qu’il va désormais davantage croiser car à 58 ans, Fara N’doye va devenir à l’automne directeur de la police municipale de la ville de Saint-Étienne. Un nouveau départ avec un autre mode de fonctionnement à intégrer et une volonté de faire bénéficier de son expérience.

« Même si ça a beaucoup changé, grâce à mon vécu je sais comment aborder ces jeunes gens. Et leur montrer qu’il y a d’autres voies que des dealers qui roulent en BMW. Malheureusement, ce sont les seuls modèles qu’ils voient. Une destinée provisoire qui peut se finir en prison, voire pire quand on voit parfois les échanges de coups de feu. » Une nouvelle mission, sans uniforme, pour le lieutenant-colonel qui n’oublie jamais d’où il vient et qui pense un jour revenir vivre à Nîmes : « j’ai encore un petit peu de temps mais c’est dans mes projets ! »

Corentin Corger avec Objectif Gard

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