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Dans « Frère d’âme », David Diop nous livre l’histoire d’un tirailleur sénégalais durant la Grande Guerre

Dans « Frère d’âme », David Diop nous livre l’histoire d’un tirailleur sénégalais durant la Grande Guerre

David Diop a écrit "Frère d'âme". (Capture d'écran Youtube/Edition du Seuil)

« Mes camarades, mes amis de guerre, ont commencé à me craindre dès la quatrième main. » Depuis la mort de son ami d’enfance Mademba Diop, éventré par une baïonnette, Alfa Ndiaye n’est plus le même. La longue agonie de son « plus que frère », qu’il n’a pas su abréger malgré ses supplications, a fait naître en lui un désir de vengeance qui le pousse, la nuit, à se fondre dans la tranchée adverse pour infliger la même mort atroce à « l’ennemi aux yeux bleus », et ramener l’une de ses mains coupées en guise de trophée.…

D’abord célébré par ses camarades pour son audace et sa bravoure, Alfa se retrouve bientôt isolé, personne n’osant plus partager avec lui sa maigre pitance ni le regarder dans les yeux. « Pour tous, soldats noirs et blancs, je suis devenu la mort. »

Convoqué par sa hiérarchie, Alfa est envoyé à l’arrière, confié aux soins du docteur François, « purificateur de nos têtes souillées de guerre ». Loin de la ligne de front et de l’ennemi, le jeune homme se souvient de son enfance dans le village de Gandiol, près de Saint-Louis, au Sénégal, et des raisons pour lesquelles Mademba et lui ont voulu s’engager dans la Grande Guerre sous le drapeau français.

Où s’arrête l’humain, où commence la barbarie?

Cette histoire est née d’une émotion, celle ressentie par David Diop à la lecture de lettres de poilus et du désir de raconter ce qu’un tirailleur sénégalais enrôlé dans le même conflit avait pu vivre, ressentir, en regard de son origine et de ses croyances. A travers les yeux et la voix d’Alfa, qui imprègne la narration de son phrasé lancinant, le lecteur découvre l’horreur du quotidien de ces hommes et l’hypocrisie d’une guerre où l’ »on ne veut que de la folie passagère », orchestrée par les ordres d’un capitaine.

En se soustrayant à « ces voix qui commandent de ne pas être humain quand il le faudrait », en laissant libre cours aux pulsions de mort qui montent en lui, Alfa mène sa propre guerre et devient en ce sens un danger pour les hommes qui l’entourent. Le roman interroge alors la notion même d’humanité : entre le soldat tuant l’ennemi sur ordre de sa hiérarchie et le soldat tuant l’ennemi pour venger la mort de son frère, où s’arrête l’humain, où commence la barbarie?

D’une puissance d’évocation remarquable, déchirante, Frère d’âme entremêle à l’inqualifiable cruauté des champs de bataille, la beauté d’une ode à l’amitié universelle, et nous plonge dans l’impensable, aux frontières de la raison et de ce dont l’homme est capable.

Né à Paris en 1966, David Diop a grandi au Sénégal. Il est actuellement maître de conférences à l’université de Pau.

 

Jdd

Extraits:

Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère.

Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.

Frère d’âme, par David Diop. Editions du Seuil, 176 pages, 17 euros. Paru le 16 août 2018.

 

Un premier roman émouvant sur la bravoure et la le désarroi des tirailleurs sénégalais sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.

La presse a aimé Frère d’âme – David Diop

Jérôme Garcin L’Obs
« […] une langue obsédante, chantante, gorgée de métaphores et d’allégories. »

Mediapart
« Parmi les innombrables parutions de cette rentrée littéraire, le roman de David Diop marque d’ores et déjà notre présent par sa splendeur et la force de sa proposition. »

Elisabeth Barillé Le Figaro Magazine
« L’auteur n’oppose jamais les bons aux méchants, les Blancs aux Noirs, l’innocence au crime, la trahison à l’amitié, il les mêle dans un même chant, troublant ­d’humanité. »

Muriel Steinmetz L’Humanité
« […] un style puissamment rythmé, en même temps classique et moderne, semé d’images fortes et parlantes. »

Baptiste Liger Lire
« Au-delà de la réflexion sur la violence et l’amitié absolue, Frère d’âme interroge sur les rapports ambigus entre la France et l’Afrique coloniale, à la fois si éloignées et pourtant si proches. »

Rfi
« Les tirailleurs sénégalais sont les oubliés des célébrations cette année de la fin il y a cent ans, de la Première Guerre mondiale. Le beau et puissant premier roman du Franco-Sénégalais David Diop, intitulé Frère d’âme vient rappeler le rôle joué par les contingents africains sur les champs de bataille en Europe de l’Ouest pour hâter la fin de cette première boucherie de l’ère moderne.
Alpha Ndiaye et Mademba Diop ont 16 ans quand ils débarquent en Europe pour combattre sous le drapeau français. Le roman s’ouvre sur un drame : Mademaba tombe, blessé à mort et demande à son ami d’enfance de lui couper la gorge pour mettre fin à sa souffrance. Alpha refuse, mais finira par obtempérer. Puis, il portera dans ses bras le cadavre de son ami d’enfance jusqu’à la prochaine tranchée. Se retrouvant désormais seul dans la folie du grand massacre, Alpha perd la raison et distribue la mort, semant l’effroi. Il tranche les chairs ennemies, estropie, décapite, éventre. Sa sauvagerie scandalise, entraînant son évacuation… »

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