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Couples mixtes: je t’aime, les miens non plus

couples mixtes

Pour tous, la rencontre a été évidente et les débuts à l’avenant. Jusqu’à l’heure des présentations familiales. Parce qu’ils étaient d’ethnies, de religions ou de couleurs différentes, ils ont dû, bien souvent, choisir entre leur amour et leurs proches.

En France, malgré la montée des extrêmes, l’amour se mélange toujours. Dans la rue, on croise, souvent, des marmots sans pouvoir deviner leurs origines. Parmi les pays les plus peuplés d’Europe, la France et l’Allemagne sont ceux qui comptent le plus de mariages mixtes. Deux fois plus que l’Italie ou l’Espagne, et un tiers de plus qu’au Royaume-Uni. Mais il reste tout de même des blocages. Certains parents freinent l’amour. La faute à une nationalité, une origine, une religion, une couleur ou une classe sociale. Parfois, les couples se freinent eux-mêmes. On aurait pu vous raconter des histoires magnifiques, douces et colorées. Libé a préféré donner la parole aux couples invisibles. D’un côté, ceux qui coupent les liens avec leurs proches pour vivre leur amour. De l’autre, ceux qui se désunissent malgré la puissance des sentiments.

 

Marie et Idrissa

«Mon père pensait qu’il était avec moi pour les papiers…»

Marie, 28 ans, a grandi à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. A l’école, elle «jouait avec tout le monde». Les week-ends, la porte de la maison était «toujours ouverte pour ses amis». «Mes parents étaient gentils avec eux tous. Ma mère préparait des gâteaux, mon père avait toujours une bonne blague pour mettre à l’aise les plus timides»,explique-t-elle. Marie replonge aussi dans les souvenirs son adolescence. Elle raconte une anecdote. «Je revois la gueule de mes parents le jour où Jean-Marie Le Pen est passé au second tour. Ils étaient effondrés, au fond du trou.» Le couple, qui «a toujours voté à gauche», a glissé un bulletin Chirac «sans hésiter».

En 2010, Marie quitte le domicile familial. Elle s’installe en colocation à Paris, près de la gare de Lyon : «Ma mère a pleuré. J’étais la dernière à la maison : une page se tournait pour mes parents.» Elle poursuit ses études de droit et turbine le week-end pour compléter sa «petite bourse». Elle rencontre Idrissa au travail. Né à Dakar, il a deux ans de plus qu’elle et vit en France depuis trois ans. Le Sénégalais a tout de suite été attiré par Marie. Elle n’a pas résisté longtemps.

Marie et Idrissa se retrouvent tous les soirs, ou presque, après les cours. Les nuits sont courtes. Le couple est «heureux». Mais Marie reste discrète. Elle ne dit rien à ses parents : «Ma mère m’aurait étouffée. Mes deux sœurs étaient en couple, posées. Elle s’inquiétait pour moi.» Les mois passent. Après deux années de relation, elle propose à Idrissa de rencontrer ses parents. «Il n’était pas très chaud, mais il connaissait tous mes amis, mes sœurs. Je voulais l’intégrer à la famille.» Marie appelle sa mère pour la prévenir : «Au début de la discussion, elle était toute excitée. Mais lorsqu’elle a su qu’il était noir, elle a perdu ses mots… Je suis tombée de ma chaise.» Le soir, son père lui passe un coup de fil. Il lui demande si Idrissa est né en France. «Il pensait qu’il était avec moi pour les papiers, donc je l’ai traité de raciste. Mes parents, genre super ouverts, ils votent à gauche et tout… Pfff, mon cul.» Entre les parents et la fille, c’est la guerre. Idrissa comprend très vite. Le Sénégalais n’est pas étonné par la réaction des parents. A la suite de cet accroc, la confiance s’effrite, les relations se compliquent, Idrissa quitte Marie. Entre la jeune femme et ses parents, ça ne sera plus jamais comme avant.

 

Moussa et Salimata

«Mes parents voulaient une Soninké et les siens un Bambara»

Moussa et Salimata ne se parlent plus. Pourtant, ils s’aiment toujours. Mais après deux ans de liaison, ils se sont séparés en début d’année. Posté sur un banc, près de chez lui, Moussa, 32 ans, coursier, n’arrive toujours pas à comprendre. Il souffle et remonte le fil de son histoire avec Salimata.

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Hiver 2013, Moussa enfile ses plus beaux habits et grimpe dans sa caisse : direction Cergy, dans le Val-d’Oise, pour les fiançailles d’un ami. Sur place, il croise le regard de Salimata. Il l’observe sans broncher, discrètement. La soirée s’achève. Le lendemain, il tapote le numéro de son ami pour gratter quelques renseignements : «Je lui demande si elle est célibataire et son numéro de téléphone», se souvient-il. La voie est libre. Moussa prend contact par texto. Salimata ne l’avait même pas remarqué. Mais après quelques échanges, ils se retrouvent autour d’un verre. «Le feeling était magnifique.» Le début d’une histoire. Le couple passe l’hiver sans encombre. Le printemps aussi. A l’heure d’été, ils embarquent pour le Maroc. «Au retour des vacances, je savais que c’était elle. On était tellement bien ensemble…»

La rentrée approche. Moussa et Salimata décident de passer un cap.«C’était la première fois que je parlais d’une fille à mes parents»,explique Moussa. Sa famille est originaire du Mali. Ils sont soninkés, une ethnie établie principalement le long de la frontière mauritanienne. La famille de Salimata est, elle aussi, originaire du Mali., mais elle est bambara, le groupe ethnique le plus important du Mali. L’origine de Salimata est importante aux yeux de Moussa. Il argumente : «J’ai toujours voulu épouser une Malienne, pour garder les valeurs de mes parents tout en étant français. Et, surtout, ne pas avoir de problème dans l’éducation de mes enfants. Mais l’ethnie n’a jamais été un critère.»

Les proches de Moussa et de Salimata ne l’entendent pas de la même manière. Ils refusent. «Mes parents voulaient une Soninké et ses parents, un Bambara», explique Moussa. Le couple ne lâche pas, avance et cherche des solutions. Les familles restent sourdes. Moussa, dépité, se rend chez sa tante, plus ouverte. Elle échange avec les deux mères, en vain. La porte se ferme une seconde fois. «Construire notre vie sans l’accord de nos parents est une chose impossible», lâche le coursier. Le couple coupe le fil après quelques mois. La cicatrice reste visible chez Moussa. Salimata, elle, a refusé de nous parler.

 

Stéphanie et Ryad

«Sa religion ne doit pas influer sur mon mode de vie»

Stéphanie, 34 ans, et Ryad, 36 ans, se sont rencontrés au charbon en 2010. Il est graphiste, elle aussi. Au sein de la petite boîte, Ryad endosse le rôle du bon collègue : la bonne phrase, le sourire, l’oreille. Stéphanie, elle, est plus discrète, dans son monde. Les deux se parlent, souvent, sans ambiguïté. Ils se découvrent une attirance lors d’un pot de fin d’année. Elle enchaîne les verres de champagne et raconte son histoire. Il tourne au soda et écoute. Après les bulles, Stéphanie rentre à Lyon pour les vacances : «Il était dans ma tête, c’était bizarre. J’avais hâte de rentrer pour le voir, sans savoir ce que j’attendais de lui.» Ryad, lui, se pose moins de questions : «Comme tous les mecs de la boîte, j’ai toujours trouvé Stéphanie très belle, mystérieuse. Mais je n’imaginais pas une seconde que je puisse lui plaire.»

A son retour de congés, Stéphanie cherche Ryad du regard et sort de sa réserve. Il met du temps à comprendre. Sans savoir qui a fait le premier pas, ils vont dîner ensemble. Stéphanie et Ryad débutent une relation. Ils se retrouvent après le travail, les week-ends. Des doutes déboulent au bureau. «Beaucoup de questions, donc on l’a annoncé après quelques mois», explique Ryad. Stéphanie quitte l’entreprise, car «c’est chiant de travailler avec son mec». C’est à cette période qu’ils décident de s’installer ensemble.

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Les premières interrogations voient le jour. Ryad est musulman, pratiquant. Avant l’amour, les choses étaient claires dans sa tête : «Je voulais faire ma vie avec une musulmane, peu importe son origine. C’était très important, surtout pour éviter les problèmes au sujet de l’éducation des enfants.» Stéphanie, elle, est athée. «Je n’ai rien contre sa religion, mais elle ne doit pas influer sur mon mode de vie»,explique-t-elle.

Depuis, le couple a repoussé les passages à la mairie et à la maternité, alors que les parents, des deux côtés, sont pour leur union. Ils se sont mêmes séparés à deux reprises avant d’être rattrapés par les sentiments. Mais Stéphanie et Ryad refusent de bouger un pion. Ils se sont donné un ultimatum, la fin de l’été, avant de prendre une décision. «Je n’ai pas envie de me retrouver dans une impasse avec une bague au doigt et un gosse dans les bras», explique Ryad sous le regard de Stéphanie.

 

Sacha et Amir

«Je leur ai envoyé une photo de moi en robe blanche avec mon numéro, mais rien»

D’origine turque, Sacha intègre à l’été 2012 une compagnie d’assurances. Elle occupe le poste d’assistante de direction le temps des vacances. Le mois de juillet passe. Certains collègues s’envolent, d’autres atterrissent. Le midi, au self de l’entreprise, elle découvre une nouvelle tête : Amir (1), la vingtaine. Il est de retour du Maroc. Il turbine à la cantine depuis quelques mois. Au départ, entre les deux, des hochements de tête en guise de bonjour. Puis des regards, des mots, des gênes. Au fil des jours, l’étincelle grandit. Amir pose la première pierre. Il propose un rendez-vous à Sacha. Elle refuse. «J’attendais ce moment, mais j’ai refusé à cause de ma timidité. Il m’a surprise», explique-t-elle avec un sourire. Amir ne baisse pas les bras. Il lui lâche son numéro de téléphone. Pas de rendez-vous, mais des textos. Les nuits sont courtes. Ils se découvrent à distance.

La fin de l’été arrive. Amir et Sacha se voient, enfin. Un dîner à quelques pas de la place de l’Opéra. Après le dessert, le premier baiser. L’idylle devient officielle. A la fin de son contrat, Sacha retrouve les bancs de l’université. Amir, lui, se dévoile. Il parle de Sacha à sa famille. «Tout le monde était content pour moi, vraiment», dit-il. De son côté, Sacha patiente avant de franchir le pas. La partie s’annonce compliquée. Ses parents veulent un gendre turc. Un soir d’hiver, la boule au ventre, elle se décide. «Je savais qu’ils allaient faire la tête. Mais Amir est musulman comme ma famille, donc j’étais tout de même confiante», confie-t-elle à voix basse. La réaction des parents est violente. Ils coupent les ponts avec leur seule fille. Et ils demandent à Akan, l’aîné de la famille, de retrouver le prétendant. Le frangin suit sa petite sœur, qui le mène à Amir. Quelques jours plus tard, le père et le fils interpellent Amir. «Ils m’ont demandé violemment de couper les liens avec Sacha», se souvient-il sans détailler. Le lendemain, il raconte la scène à Sacha. Furieuse, elle prend ses affaires et quitte le domicile familial sans se retourner.

Depuis, deux années se sont écoulées. Le couple est passé devant le maire. Ils vivent ensemble en région parisienne. Pas de nouvelle du côté de la famille de Sacha. «Je leur ai envoyé une photo de moi en robe blanche avec mon numéro de téléphone, mais rien. Avec Amir, on envisage de faire un enfant et j’aimerais que mes parents soient présents, qu’ils voient grandir ma famille», lâche-t-elle en sanglots.

 

Source : Libération

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