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Pour ou contre les statistiques ethniques, un débat français

Relancée à droite par les candidats à la primaire pour la présidentielle de 2017, la question des statistiques ethniques divise toujours autant les responsables politiques, la communauté scientifique et les associations.

Déjà autorisé par dérogation, le recours à ces données interroge tant sur leur pertinence que sur l’usage qui en est fait.

Le débat revient avec la régularité d’un métronome. Pour au contre les « statistiques ethniques » ? La question resurgit, alors que les candidats de droite à la primaire pour la présidentielle de 2017 s’affrontent.

Il avait déjà fait son apparition en mai dernier après une polémique lancée par le maire de Béziers, Robert Ménard, proche du FN. Quatre mois plus tôt, le sujet avait également occupé les discussions après les propos du premier ministre Manuel Valls évoquant une situation d’« apartheid territorial, social, ethnique » dans certains quartiers populaires.

DES DÉROGATIONS POUR DES ÉTUDES « ETHNIQUES » SOUS CONTRÔLE DE LA CNIL

Pourtant, les statistiques ethniques sont autorisées en France, de manière très encadrée. La loi informatique et libertés de 1978 pose un cadre global. Elle « interdit de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques ». Il en va de même pour les idées philosophiques, politiques, religieuses, l’engagement syndical, l’orientation sexuelle ou la santé des personnes.

Néanmoins, une petite dizaine d’études dites « ethniques » ont pu être réalisés ces dernières années à titre dérogatoire. Pour être autorisées, ces enquêtes doivent respecter un certain nombre de règles, sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Tout d’abord, les données ne peuvent pas être collectées à l’insu des personnes. Ensuite, les fichiers constitués ne doivent pas être nominatifs. Enfin, le projet de recherche doit être exposé et répondre à une question d’intérêt général.

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LES ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUÊTE « TRAJECTOIRES ET ORIGINES »

Ainsi en 2008, une enquête baptisée « Trajectoires et origines », qui avait suivi l’évolution d’un vaste échantillon d’immigrés sur plusieurs générations, a pu être menée par l’Institut national des études démographiques (Ined). Cette dernière a permis de dégager de nouveaux enseignements sur la diversité des populations en France, leur participation à la vie sociale et sur les inégalités qu’elles peuvent vivre.

L’un des chercheurs ayant coordonné ce travail, Patrick Simon, affirme qu’il conviendrait de le prolonger pour mieux comprendre les écarts de salaire ou d’accès au logement que vivent certaines minorités.

LES ASSOCIATIONS TRÈS RÉTICENTES

Convaincus de l’intérêt de ce genre de démarche, les sénateurs Jean-René Lecerf (Les républicains) et Esther Benbassa (EELV) proposent dans un récent rapport d’introduire « une fois tous les cinq ans, dans le recensement, une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure ». Mais pour l’historien de gauche Patrick Weil, le cadre actuel suffit : « la question n’est pas l’absence de données, mais l’absence de réaction politique à ces données », écrit-il dans son dernier ouvrage, Le sens de la République.

La plupart des associations sont elles aussi très réticentes à un élargissement des possibilités existantes. Seul le Conseil représentatif des associations noires (Cran) estime qu’il faut rendre les statistiques ethniques obligatoires par la loi, pour mieux débusquer les cas de discrimination. Mais les autres, comme SOS Racisme ou la Licra, craignent une lecture « racialisée » de notre société.

LA FRANCE SE DISTINGUE AU NOM DE « L’ÉGALTIÉ DEVANT LA LOI »

C’est aussi au nom de cet argument que la France se distingue de pays comme la Grande-Bretagne, qui depuis 1991 propose à la population de se déterminer par catégories lors du recensement (white, mixed, asian, black…).

Pour l’heure, Paris a toujours refusé cette pratique, malgré l’invitation de plusieurs instances européennes. En effet, cela contrarierait un principe placé au cœur de notre constitution : la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

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DES CATÉGORIES FORCÉMENT SIMPLIFICATRICES

Autre obstacle de taille : les catégories de population proposées ne correspondent pas toujours aux identités des personnes, souvent plus complexes. C’est ainsi qu’Hervé Mariton, hier, a ironisé sur la proposition de François Fillon de systématiser les données ethniques. « Mon père était Dauphinois, ma mère était Juive pied noir. Alors je suis quoi ? Berbère judéisé ? Juif berberisé ? Dauphinois ? Je remplis quelle case ? »,interroge-t-il.

Le député de la Drôme n’est pas le seul dans son cas : selon l’Ined, 23 % de la population française a au moins un grand-parent immigré. Une donnée connue grâce aux possibilités statistiques actuelles.

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Un sujet de discorde politique

À droite : Dans une interview accordée dimanche 20 septembre auJournal du dimanche, François Fillon a rappelé qu’il était favorable aux statistiques ethniques pour « savoir qui on accueille, ce que ces personnes deviennent, comment elles s’intègrent ». Sur France Inter, Hervé Mariton lui a répondu lundi qu’il n’avait « pas envie de catégoriser les Français ».La présidente du Front national, Marine Le Pen, a elle aussi pris position lundi, estimant que « ce que l’on doit demander », ce sont « les vrais chiffres de l’immigration ».

À gauche : le sujet divise également les socialistes. Après les attentats de janvier, François Hollande a rejeté l’usage des statistiques ethniques, jugeant que ce débat « n’apporterait rien ». Certains, comme le maire de Sarcelles François Pupponi, par ailleurs président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), y sont favorables pour créer de la mixité dans les quartiers populaires.

 

Source : La Croix

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