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Cesson-Rennes : Même sans lendemain, Ibrahima Sall pense à son prochain

Cesson-Rennes : Même sans lendemain, Ibrahima Sall pense à son prochain

Son âge ne lui donne aucun pouvoir. Ibrahima Sall (39 ans), non conservé en fin de saison par le club de Cesson, qui affronte Sélestat ce samedi (20 h), garde les pieds sur terre. Et la tête obnubilée par son prochain. Ibrahima Sall s’efface volontiers au profit des autres. Son tempérament, travailleur et généreux, lui donne même la force de s’engager auprès de ses compatriotes sénégalais dans le besoin.

Toutes les bonnes choses ont une fin. Le contrat d’Ibrahima Sall, compris. L’arrière droit entame la dernière ligne droite de son mandat cessonnais. Deux ans après son arrivée, le Sénégalais ne fera plus partie de l’effectif la saison prochaine. « On se tourne vers un nouveau cycle avec deux jeunes qui poussent à ce poste-là », explique Yérime Sylla.

Le premier, Geir Gudmundsson, déjà installé dans le collectif. Le second, Florian Delecroix, recrue estivale prêtée par Nantes. Un choix de raison, plus que de cœur. « Ce n’est pas la valeur du joueur qui est remise en question, assure encore son entraîneur. Il y a simplement un renouvellement. » Qui prendra peut-être du temps pour retrouver un joueur de sa trempe, humainement parlant. « C’est le sage du vestiaire, corrobore Sylvain Hochet, capitaine de l’équipe. C’est quelqu’un qui a de l’expérience, très posé et qui sait aussi bien parler aux jeunes qu’aux plus anciens. Il joue un rôle important dans le groupe. » En coulisses comme sur le terrain.

À 39 ans, Ibou, diminutif sénégalais de son prénom devenu surnom dans le vestiaire de Cesson, est toujours là. Il continue de jouer (21 matches cette saison, 38 buts). De progresser, aussi, il le dit lui-même. Son secret ? Un esprit sain dans un corps sain. « Régulièrement, l’usure vient de la répétition. Pas lui, il a une éternelle jeunesse, se languit Yérime Sylla. Avec l’âge, il a acquis une certaine sagesse. Il a compris qu’il faut aussi savoir se ménager. Bien dormir, bien manger… Tout cet entraînement invisible, il le maîtrise bien. » D’ailleurs, il compense.

Mercredi dernier, le staff technique des Irréductibles laisse l’après-midi libre aux joueurs. Beaucoup sont au repos. Ibrahima Sall, lui, réfute l’idée. Mieux vaut caler un entraînement spécifique. De son plein gré, avec Kévin Bonnefoi. « Quand on se sent en forme, autant continuer à bosser, ça fait du bien, explique-t-il, de retour aux affaires après une douleur à l’ischio-jambier, contractée à Paris, qui l’a éloigné du terrain pendant quelques jours. De toute manière, je pars du principe qu’on n’a rien sans le travail. »

« C’est une richesse de pouvoir échanger avec les gens »

Une philosophie qu’il puise dans ses origines, au Sénégal. Dans l’ethnie, aussi, dont il fait partie, les Peuls. À l’est du pays, où ce peuple nomade vit en majorité, le labeur et la terre sont des richesses. Le travail, la base de tout. Alors, ce n’est pas parce qu’il est en fin de contrat, avec la garantie de ne pas prolonger, que l’homme baisse les bras. Au contraire. Il lève la tête. « Je n’ai jamais sali le maillot, ce n’est pas maintenant que je le ferai. Je continuerai à lui faire honneur. »

Aucune rancœur envers ses dirigeants qui ont décidé de ne pas le conserver la saison prochaine. Ces mêmes personnes qui l’avaient fait venir, il y a deux ans, en provenance de Tremblay. « C’est un choix sportif, uniquement, et je le comprends. Quand ils m’ont intégré à l’équipe en 2015, ils avaient aussi fait un choix. »

L’homme relativise. En toutes circonstances. Il ne s’inquiète pas pour son avenir. Même à 39 ans. Plusieurs clubs, en France, auraient même déjà manifesté un intérêt. « J’ai envie de continuer à jouer parce que je prends toujours autant de plaisir sur le terrain, explique l’international sénégalais, sans écarter l’hypothèse d’entraîner, déjà titulaire du diplôme d’entraîneur (BEES niveau 3). Il ne faut pas s’arrêter sur mon âge. En France, on catalogue peut-être trop rapidement comme vieux les joueurs de plus de trente ans. Il faut aussi s’intéresser au joueur et à la personne. »

Justement, le Sénégalais est une personne à la philosophie bien pensante. « Je n’aime pas parler de moi », prévient-il. Il s’exécute, effaçant le reste du temps la première personne du singulier. « Au dos du maillot, il y a peut-être nos noms avec le numéro mais il y a surtout inscrit Cesson-Rennes. Ça reflète deux villes, un club, un public… » Il énumère jusqu’à citer les bénévoles, impressionné. « Ils sont là deux heures avec le match, une heure et demie après, ils ne voient quasiment pas la rencontre. Ils sont bienveillants à l’égard des autres. »

Des valeurs qu’il partage, ayant grandi et forgé son caractère sur ce principe. Au Sénégal, d’abord jusqu’à dix ans, et en banlieue parisienne, ensuite. De son passage à Cesson-Rennes, Ibrahima Sall retient d’ailleurs la chaleur du peuple breton. « J’apprécie particulièrement l’endroit grâce à eux, encense-t-il. C’est une richesse de pouvoir échanger avec les gens. »

« C’est fort ce qu’il dégage »

Révélateur d’un trait de personnalité très partageur. Impliqué dans tout ce qu’il entreprend. Dans son handball, c’est une chose, mais aussi pour son association, Afrikan ID, qui vise à développer le handball, la scolarisation et à améliorer les conditions de vie dans les orphelinats au Sénégal. Pour ça, Ibou récolte du matériel pour le confort de ses compatriotes. « Du matériel de hand pour les clubs locaux, des jouets, des vêtements et des produits médicaux, entre autres, pour les enfants orphelins. » Cet engagement, il y tient comme la prunelle de ses yeux. « Il faut partir du principe qu’il y aura toujours plus malheureux que toi, poursuit-il. Dans la vie, c’est important d’aider son prochain. Rien n’est acquis. »

Seule l’estime de son entraîneur, Yérime Sylla, semble marquée au fer rouge. « J’ai entraîné beaucoup de joueurs mais très peu restent autant que lui dans mon esprit. C’est fort ce qu’il dégage. » Un savoir-vivre, une ouverture, une générosité… À côté de ça, le handball n’est qu’un simple jeu. Où les pions qui le composent ont le mérite de faire vivre l’endroit. Ibrahima Sall, lui, est une inspiration.

 

Avec Ouest France

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