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Ces vieux immigrés auxquels on pourrait donner la nationalité française

Le projet de loi sur « l’adaptation au vieillissement » est examiné depuis mardi à l’Assemblée nationale. L’une des mesures prévoit de faciliter la naturalisation des retraités étrangers, souvent confrontés à la précarité. Mais est-ce suffisant pour bien vieillir?

« On a travaillé comme eux, on devrait avoir les mêmes droits, les mêmes aides sociales. » Yaya, 65 ans, vit dans des conditions précaires. Ce retraité algérien loue une chambre de 10 mètres carré à Paris et perçoit moins de 800 euros de pension mensuelle. Sa nationalité étrangère lui barre l’accès aux mêmes prestations que les retraités français. « J’ai pourtant toujours travaillé en France », proteste-t-il, lui qui a quitté sa Kabylie en 1971 sans jamais retourner y vivre.

C’est pour améliorer les conditions de vie de ces immigrés âgés qu’un député PS, Denys Robiliard, a fait adopter un amendement au projet de loi sur « l’adaptation de la société au vieillissement », examiné depuis mardi à l’Assemblée nationale. Il prévoit un nouveau cas d’acquisition de nationalité française pour les étrangers qui justifient de plus de 25 ans de présence sur le territoire et qui ont un descendant français. L’amendement a été adopté en commission mais contre l’avis de la rapporteure PS, Martine Pinville. Car la question centrale du projet de loi est d’abord la prévention de la perte d’autonomie des seniors. « On a eu un désaccord sur le fait qu’une question de nationalité puisse figurer sur un texte sur le vieillissement. Mais la nationalité permet d’avoir des droits et donc de mieux vivre. Le gouvernement n’y est pas opposé », assure Denys Robiliard, joint par L’Express.

« Ils cumulent un certain nombre d’handicaps »

Avec ses 43 années de vie en France, Yaya rentre dans les critères de cette nouvelle mesure, lui qui n’a encore jamais demandé la nationalité française. C’est que les retraités étrangers en situation de précarité rentrent difficilement dans les critères de naturalisation actuels. Les revenus sociaux comme l’âge ne sont pas pris en compte. Il faut justifier d’une insertion professionnelle et sociale, ce qui peut être très vite éliminatoire. En outre, « la plupart ont quitté le système scolaire très tôt et ne maîtrise pas les codes et la culture françaises même s’ils ont eu une longue vie ici », observe pour L’Express Antoine Math, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), spécialiste des questions liées aux immigrés âgés et à leur accès aux droits sociaux. Certains sont même illettrés.

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La France compte 450 000 immigrés non européens de plus de 55 ans et 355 000 de plus de 65 ans, selon les chiffres de l’Insee. Mais ces chiffres comprennent aussi ceux qui ont la double nationalité: on estime à 65% la part de personnes qui n’ont jamais demandé la naturalisation. C’est dire si le vieillissement des étrangers est aussi un défi majeur. La majorité vient du Maghreb, comme Yaya. On les appelle les « Chibanis », pour « cheveux gris » en arabe. Ce sont des hommes arrivés très jeunes en France durant les Trentes Glorieuses pour apporter de la main d’oeuvre. Et depuis, la plupart sont restés en marge de notre société. Ils vivent en groupe et certains toujours dans le même foyer de travailleurs migrants du temps de leur jeunesse. « Les Chibanis cumulent un certain nombre d’handicaps: revenus ou pensions faibles et sous-évalués liés à des carrières hachées, discriminées ou non déclarées, tracasseries administratives, accès difficile aux soins », énumère Antoine Math. Pour ce dernier point, Yaya peut en témoigner. Il souffre de problèmes de dos et de genoux, séquelles de sa carrière. « Entre les dentistes, les ophtalmos et les kinés, à un certain âge, on a besoin de soins. Et je n’ai pas de mutuelle », déplore-t-il.

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Chez lui ni en France, ni dans son pays d’origine

Autre problème lié à leur nationalité étrangère: le fait qu’ils ne puissent pas écouler leurs vieux jours dans leur pays d’origine. Car pour percevoir leur retraite ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ils ne doivent pas quitter la France plus de six mois. Ce qui les force à rester ici. Un problème qui serait résolu s’ils obtiennent la naturalisation. Nombre de Maghrébins, comme Yaya, n’envisagent néanmoins pas de passer leur retraite dans leur pays natal. Un rapport parlementaire de 2013 sur la situation des immigrés âgés parle d’un phénomène de « double-absence »: le retraité ne se sent chez lui ni en France ni dans son pays d’origine, à cause des nombreuses années d’éloignement. Voilà pourquoi le texte préconise de leur laisser le choix de résidence de retraite.

« Il y a une exigence de la France d’arrêter de les maltraiter et de leur apporter l’égalité des droits. On ne fait rien car on se dit que comme ils sont vieux, le problème va se régler tout seul d’ici 10 ou 15 ans, ce qui est faux », lâche Antoine Math. Pour le chercheur, l’amendement du projet de loi ne devrait concerner qu’une part infime des retraités étrangers. Car comment prouver que l’on a bien vécu 25 ans en France et comment faire si l’on n’a pas d’enfants? Yaya, lui, attend de toutes façons plus qu’une seconde nationalité. « Cela ne sert à rien s’il n’y a pas d’aides avec, si c’est juste un papier », grommelle-t-il. Son objectif à court terme: quitter la chambre miteuse de sa résidence, dont il a failli être expulsé avec d’autres Chibanis, pour un logement plus décent. Et ainsi bien vieillir, comme le promeut le texte du gouvernement.

 

L’express

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