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Cannes 2018 : “Amin”, Philippe Faucon au sommet de son art modeste avec un impressionnant Moustapha Mbengue

Par petites touches épurées, précises, Philippe Faucon déploie dans « Amin » une vision complexe sur la solitude des quadras.

Longtemps, Philippe Faucon a été un cinéaste confidentiel. Et puis avec Fatima, en 2015, le miracle d’une rencontre avec un plus large public s’est opéré, accompagné d’une forte reconnaissance professionnelle (Césars, prix Delluc). Son nouveau film, Amin, prouve que Faucon est un cinéaste cohérent et un homme qui suit imperturbablement sa voie, succès ou pas.

Le personnage du titre (impressionnant Moustapha Mbengue) est un travailleur immigré d’origine sénégalaise qui vit seul à Paris, sa femme et ses enfants étant restés au pays et se languissant de lui. Il fait partie d’une équipe chargée de la réfection d’un pavillon dont la propriétaire est une infirmière divorcée (Emmanuelle Devos, étonnante). Ces deux solitudes vont finir par fusionner malgré leurs différences ethniques, culturelles, sociales.

Faucon n’a pas son pareil pour dresser le portrait de ses personnages avec une grande économie de moyens, tout en n’omettant pas de montrer aussi l’écosystème (amis, famille, travail) dans lequel ils évoluent. Il détient l’art de les regarder sans jugement, positif ou négatif, privilégiant l’observation comportementaliste au psychologisme.

Un autre trait peu remarqué de son cinéma (car apparaissant souvent à minima, dans une scène ou deux), c’est l’érotisme, qui prend ici une part plus importante : femmes sous la douche, étreintes, peaux noire et blanche entrelacées, autant d’images qui témoignent d’un sensualisme simple, direct, jamais voyeuriste.

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Amin parle d’amour, de désir, de condition ethnico-sociale, mais son vrai sujet, c’est la solitude des quadras, séparés de leur famille soit en raison des lois de l’économie mondialisée et des inégalités Nord-Sud, soit à cause du mode de vie stressant de la moyenne bourgeoisie urbaine occidentale.

Une fois encore, par petites touches épurées, précises, Faucon déploie une vision complexe qui atteint des sommets émotionnels sans avoir jamais recours à de grossiers procédés tire-larmes. Chapeau.

Amin, de Philippe Faucon, avec Emmanuelle Devos, Moustapha Mbengue… (Fr., 2018, 1h31)

Sélection : Quinzaine des réalisateurs

 

Les Inrocks

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