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Les Baye Fall: Ces musulmans sénégalais qui ne jeûnent pas

Au Sénégal, certains musulmans n’appliquent pas le quatrième pilier de l’Islam. Ils sont des Baye Fall, disciples de Cheikh Ibrahima Fall, compagnon et ami du Fondateur du Mouridisme Ahmadou Bamba Mbacké.

 

En cette première semaine de Ramadan, la chaleur a fini de prendre ses quartiers à Dakar. Les jeûneurs ont du mal à gérer la déshydratation. Ngounda, lui,  sirote tranquillement son café  Touba (Café local) dans une tasse à jeter. Ce trentenaire  ne sent pas les rigueurs de la faim. Il ne jeune pas et avoue ne prier qu’occasionnellement. Pourtant, il se définit comme musulman. Il fait partie de la communauté Mouride et se considère comme un Baye Fall.

Vêtus d’un patchwork de tissu wax, drealocks sur la tête, Ngounda et son cousin Abdou Sakor, déambulent dans les rues de Dakar pour demander l’aumône. Les pieds nus, ils  passent leur journée à sillonner les rues de la capitale à la quête de pitance avec des calebasses remplies de pièces de monnaies que des âmes charitables leur donnent.

Branche du mouridisme, une grande confrérie du Sénégal, le Baye fallisme a été fondé par Mame Cheikh Ibrahima Fall. « Quand il a rencontré Cheikh Ahmadou Bamba, Mame Cheikh Ibrahima Fall lui a dit qu’il n’était pas venu pour apprendre le Coran mais pour savoir qui est le bon dieu. C’est ainsi qu’il est devenu le garde du corps du grand marabout. Il était toujours à ses côtés », explique Abdou Sakor.

Demander l’aumône équivaut au jeûne

Ces Baye Fall ont une compréhension particulière du jeûne.  Ngounda pense que le fait de demander l’aumône (Majjal) remplace l’obligation de jeûner.

« Notre marabout a réussi à nous faire acquérir les bienfaits du jeûne à travers l’aumône que nous demandons. Le jeûne est censé cultiver l’humilité en nous et nous dépouiller des souillures telles que la jalousie et la haine. Ce que nous réussissons à avoir avec la mendicité »

Comme Ngounda et Sakor, Alassane et Fallou sont des Baye Fall.  Ils ont pignon sur rue à l’avenue Pompidou de Dakar. Ils donnent les mêmes raisons pour justifier le fait qu’ils ne jeûnent pas.

« Le « majjaal » (mendicité) fait partie des vertues premières du mouridisme. Notre guide Cheikh Ibra Fall l’a institué. En son temps, c’était avec le Majjal qu’il formait les nouveaux convertis de la religion musulmane. Dés l’ instant où le disciple fait sienne cette vertu, il devient humble or, l’ humilité est la première vertu d’un croyant.Il est ensuite un facteur de discipline et de cohésion au sein de la confrérie, puisque les disciples qui demandent la charité pour se nourrir sont amenés à respecter leur prochain », explique Fallou.

Des musulmans particuliers

 

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La philosophie de ces musulmans particuliers est de travailler pour donner au marabout (guide spirituel) sous forme de zakat (don pieu), puis mendier pour se nourrir. Abdou Sakor donne une définition du véritable Baye Fall:

« Le véritable Baye Fall  une vie austère qui le détache de tous les interdits. Au delà de tous les clichés le faisant apparaître comme un délinquant en mal de refuge social, le disciple de Mame Cheikh Ibra Fall se veut le prolongement de celui qui fut l’ exemple du bon disciple et symbolise le mouridisme sous ses facettes économique, sociale et culturel. le Baye fall applique à la lettre le principe du « Jebbelou »; c’est à dire de soumission, qui le lie à son marabout. En trouvant le fondateur du mouridisme (Cheikh Ahmadou Bamba) à la suite de moult tribulations, Cheikh Ibra a parfaitement symbolisé ce credo »

Mamadou Diop, un chercheur sénégalais ayant étudié le phénomène explique la particularité de cette communauté: « Le marabout Baye Fall est peu enclin aux génuflexions quotidiennes qui rythment la prière. Le chapelet toujours à la main, il s’adonne cependant à longueur de journée à des oraisons. Ses disciples lui emboîtent le pas. Ils ne prient pas et ne jeûnent. Ils pensent détenir des secrets ésotériques qui les exonèrent de la pratique quotidienne des préceptes religieux ».

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« Il y a Baye Fall et Baye Faux »

 

 

« Beaucoup de personnes pensent que les Baye Fall, c’est seulement ceux qui sont coiffés comme les rastas avec des boubous multicolores, mais être Baye Fall, c’est avant tout avoir un grand cœur, n’être rancunier envers personne et être soumis à son marabout. De nos jours, beaucoup de personnes qui prétendent être des Baye Fall commettent des délits et salissent notre nom. Nous sommes loin de ça », indique Alassane.

M. Diop indique que le Baye Fall, selon l’image populaire, est trés souvent perçu à travers des déformations multiples. Il est souvent associé à un personnage grossier habillé de haillons multicolores, la chevelure débroussaillée et la démarche agressive. Pourtant, cette image est erronée parce que le vrai Baye Fall est avant tout un croyant zélé pour qui la religion s’ arrête aux recommandations du marabout qu’il vénère plus que toute autre chose. Mais, dans la pratique beaucoup de ceux qui se définissent comme Baye Fall le font pour échapper aux rigueurs de la religion et ternissent la réputation de ces disciples de Cheikh Ibrahima Fall.

 

Slate Afrique

 

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