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Aux Canaries, le drame de l’immigration a désormais un visage

Aux Canaries, le drame de l’immigration a désormais un visage

Elle était malienne et avait deux ans: la mort ce week-end d’une petite fille après plusieurs jours d’agonie dans un hôpital des Canaries a provoqué une vive émotion en Espagne et mis un visage sur le drame de l’immigration africaine.

Ramenée mardi par les sauveteurs au port d’Arguineguin, sur l’île de Grande Canarie, cette petite Malienne avait fait la traversée depuis le continent africain sur une embarcation de fortune transportant 52 migrants, dont sa mère et sa soeur.

Les images poignantes des secouristes de la Croix-Rouge s’efforçant de la réanimer sur le quai de ce port avaient fait la Une des médias espagnols.

En état critique et souffrant d’hypothermie sévère, elle avait été transférée dans l’unité de soins intensifs d’un hôpital de l’île, où elle a passé cinq jours, avant de décéder dimanche.

Elle est officiellement la 19e personne à périr cette année dans la dangereuse traversée entre les côtes africaines et l’archipel espagnol des Canaries, un périple entrepris chaque année par des milliers de migrants.

« Nabody est le visage du drame humanitaire que représente l’immigration », a affirmé sur Twitter le président de la région des Canaries, Ángel Víctor Torres, en utilisant le prénom donné à cette petite fille par la presse espagnole et démenti depuis par l’un des médecins de l’hôpital où elle a été soignée. Son véritable nom n’a pas été révélé.

Dix-neuf vies dont nous connaissions les noms, perdues en 2021. Des centaines, des milliers dont nous ne connaissions pas les noms avant. Elle recherchait une vie meilleure. Elle avait deux ans. Repose en paix », a ajouté M. Torres.

« Il n’y a pas de mots pour décrire autant de douleur (…) C’est un choc pour notre conscience à tous », a, pour sa part, déclaré le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, en remerciant « ceux qui ont lutté jusqu’au bout pour lui sauver la vie ».

Danger extrême
Cité par la presse locale, Juan Miguel Vela, l’un des deux secouristes ayant réanimé la petite fille sur le port, a jugé « fou de devoir en arriver à une situation si extrême pour se rendre compte d’une réalité que nous voyons tous les jours ».

Les côtes africaines sont situées à une centaine de kilomètres de la partie la plus à l’est de l’archipel. Mais les passagers de l’embarcation ont raconté aux secouristes être partis de Dakhla, un port du Sahara occidental situé à 450 kilomètres au sud et avoir passé quatre ou cinq jours en mer.

Cette route migratoire entre l’Afrique et les Canaries est particulièrement dangereuse en raison de courants extrêmement forts.

L’an dernier, 1.851 migrants, voyageant dans des embarcations généralement surchargées et en mauvais état, ont perdu la vie sur cette route maritime, selon l’ONG Caminando Fronteras.

« Même si cette route a le taux de mortalité le plus élevé, elle est de plus en plus empruntée », l’Europe ayant passé des accords avec plusieurs pays pour lutter contre l’immigration illégale en Méditerranée, déplore cette ONG.

Arrivées en hausse à cause de la pandémie
Selon les organisations de défense des droits de l’homme, la situation a empiré récemment en raison de la crise économique provoquée par le coronavirus.

« Si initialement la pandémie a ralenti les flux migratoires, elle a finalement accéléré le départ » de migrants « travaillant dans le tourisme, la pêche ou d’autres emplois précaires (et qui) se sont retrouvés sans ressources », a souligné l’Association pour les Droits de l’Homme d’Andalousie dans un rapport publié lundi.

Cette augmentation de l’immigration vers les Canaries rappelle la crise migratoire de 2006, qui avait vu environ 30.000 migrants faire la traversée.

L’an dernier, 23.023 migrants sont arrivés aux Canaries, un chiffre huit fois supérieur à celui de 2019.

Une situation qui a provoqué le chaos dans l’archipel, où des milliers de migrants ont dû dormir parfois à même le sol dans le port d’Arguineguin, dans des conditions déplorables dénoncées par les ONG.

Depuis le début de l’année, le flux des arrivées ne s’est pas tari, avec 2.580 migrants parvenus aux Canaries entre le 1er janvier et le 15 mars, contre 1.219 sur la même période de 2019, selon des chiffres officiels.

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