Les violences de tous types commises à l’encontre des hommes, femmes et enfants interceptés en Méditerranée et renvoyés de force dans les centres de détention en Libye montrent les conséquences de la coopération entre l’Europe et la Libye concernant l’immigration, ressort-il d’un rapport d’Amnesty International publié jeudi.
L’organisation de défense des droits humains pointe le fait que les exactions dont sont victimes les réfugiés dans les camps de détentions libyens depuis 10 ans se poursuivent inlassablement.
« Ce rapport terrifiant jette un nouveau coup de projecteur sur la souffrance des personnes interceptées en mer et renvoyées en Libye, où elles sont immédiatement placées en détention arbitraire et systématiquement soumises à la torture, aux violences sexuelles, au travail forcé et à d’autres formes d’exploitation en toute impunité », a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« En outre, les autorités libyennes ont récompensé des personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir commis ce type de violations en leur offrant des postes de pouvoir ou une promotion, ce qui signifie que nous risquons de voir les mêmes horreurs se reproduire encore et encore. »
La Libye s’étant engagée à fermer les centres de la Direction de la lutte contre la migration illégale (DCIM), dirigés par le ministère de l’Intérieur. Au lieu de cela, plusieurs camps de détentions informels, où de nombreux abus ont lieu, ont été officialisés, notamment le Centre de rassemblement et de retour de Tripoli, familièrement appelé Al Mabani.
Au cours des six premiers mois de 2021, plus de 7.000 personnes interceptées en mer ont ainsi été envoyées de force dans ce camp. Les témoignages recueillis pas Amnesty parlent de torture, de mauvais traitements, de conditions de détention cruelles et inhumaine, d’extorsion de rançons et de travail forcé.
Selon Amnesty International, l’Europe a une part de responsabilité dans cette situation. Entre janvier et juin de cette année, plus de 15.000 personnes ont été interceptés en Méditerranée par les garde-côtes libyens, soit plus que pour l’ensemble de l’année 2020.
Ces actions de « sauvetage » (les garde-côtes libyens coulant parfois délibérément les embarcations avant de porter secours aux survivants) sont facilitées par l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, qui effectue une surveillance aérienne au-dessus de la Méditerranée pour repérer les embarcations de migrants, pointe l’ONG.
Par ailleurs, l’Italie et d’autres États membres de l’Union européenne continuent de fournir une aide matérielle aux garde-côtes libyens. Ils travaillent également à la mise en place d’un centre de coordination maritime dans le port de Tripoli, principalement financé par le Fonds d’affectation spéciale de l’UE pour l’Afrique.
« Il est largement temps que les États européens reconnaissent les conséquences indéfendables de leurs actions. Ils doivent suspendre leur coopération avec la Libye en matière de contrôle de l’immigration et des frontières et se consacrer plutôt à ouvrir les voies d’accès vers la sécurité dont les milliers de personnes en quête de protection actuellement bloquées dans ce pays ont besoin de toute urgence », revendique Diana Eltahawy.
Amnesty demande également que les centres de détentions libyens liés à l’immigration soient démantelés et que les autorités libyennes cessent de détenir des personnes réfugiées et migrantes.