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A la rencontre de jeunes migrants Sénégalais en transit à Rabat

Babacar Gaye, 24 ans, est arrivé au Maroc il y a seulement huit mois. Il fait partie de ces nombreux Sénégalais qui continuent de voir dans le royaume chérifien une zone de transit idéale pour l’Espagne et l’Europe. Il y en a qui finissent par renoncer à leur rêve d’Eldorado et s’établir dans ce pays.

Un samedi matin, profitant des premiers rayons de soleil du jour en cet hiver marocain, le jeune garçon originaire de Dakar se pointe devant la station du tramway de Rabat-ville.

Babacar, casquette bien vissée sur la tête, tient dans ses bras des casques de téléphone qu’il propose aux passants.

Type sahélien facilement reconnaissable à sa silhouette élancée et à son teint noir, Babacar avait échoué il y a 8 mois à Tanger, au nord du pays, à 300 km de Rabat, dans l’espoir de se retrouver en Espagne.

Il a ensuite rallié la capitale administrative du Maroc, pour se refaire des économies, depuis qu’il s’est fait soutirer 3.000 dirhams (180.000 francs CFA) par un passeur.

Le jeune homme de 24 ans raconte à qui veut l’entendre comment il s’est fait gruger par un passeur sénégalais censé l’aider à traverser les 14km de mer séparant Tanger de l’Espagne.

Après avoir empoché le tarif, ce dernier a continué à le faire attendre plus que de raison. Dépité, il a oublié cet argent, mais pas son voyage.

« Eh ! vraiment, je ne suis pas venu pour rester ci ! », réplique-t-il, apparemment surpris par la question de savoir si le Maroc est sa destination finale.

Comme plusieurs Sénégalais et autres ressortissants subsahariens, il circule chaque matin dans les alentours de la gare de Rabat et de l’avenue Hassan II menant vers le marché. Une zone de grande affluence, où tenanciers de librairies par terre, cambistes et marchands d’articles vestimentaires guettent les clients.

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Après une séance de marchandage, il convainc une jeune fille hésitante à lui acheter un casque de téléphone à 9 dirhams.

D’un ton calme et courtois, mais le regard déterminé, Babacar dit s’en remettre à la volonté divine. « C’est un chemin de Dieu, si Dieu le veut, je vais y arriver », lance-t-il.

Ici, ce sont les passeurs qui organisent les convois de migrants à destination de l’Espagne. Ils sont Maliens, Camerounais, mais la plupart sont des Sénégalais, relève le jeune homme.

Il connaît des jeunes qui ont pu passer en Espagne. Une source de motivation de plus, pour lui, pour regagner ces compagnons avec lesquels il partageait le même domicile à Sidy Moussa, un quartier populaire, où résident un bon nombre de migrants subsahariens.

La traversée coûte 5.000 dirhams (300.000 francs CFA) à bord d’un zodiac à moteur et 3 000 dirhams (180 000 frans CFA) en « ramé-ramé » (nom donné au canoë sans moteur).

« En pirogue à moteur, c’est plus rapide, explique-t-il. En 30mn, tu te retrouves de l’autre côté, en Espagne ».

Comme à la loterie, on mise pour gagner ou perdre. Avec de la chance, on peut rencontrer des patrouilleurs espagnols qui vous ramènent en terre espagnole. Dans le cas contraire, si tu tombes sur des gardes marocains, ils vous retournent à la frontière avec la Mauritanie. Et là, tu pourras encore tenter de rentrer en territoire marocain, explique un autre jeune vendeur.

Jeune célibataire, Babacar projette de prendre femme à son retour au bercail, au Sénégal, si jamais il parvient à rallier l’Europe. « Je suis encore jeune », dit-il, ajoutant : « Je suis né en 1994, presque en 1995 ».

Après avoir appris le Coran à Diourbel (centre), le jeune homme, qui parvient à peine à lire et à parler le français, grâce à sa sœur qui a été à l’école française, a résolument opté pour l’aventure.

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Interrogé sur ses relations avec la police, il assure qu’il n’y a pas de problème. « Ils nous laissent tranquilles. Ils ne nous demandent même pas de papiers », dit le jeune homme qui manie déjà le darija, l’arabe de la rue parlé par beaucoup de Marocains.

Ils sont nombreux les jeunes Sénégalais résidant au Maroc, la plupart en transit en attendant de rallier l’Espagne ou d’autres pays africains. Certains qui n’atteignent pas cet objectif finissent simplement par s’établir dans le royaume chérifien.

Comme Babacar, Saliou Samb dit Baye Zal a quitté son Louga natal pour se rendre en Europe, via le Maroc, après avoir fait un peu de commerce à Thiès. Il est au Maroc depuis presque trois ans.

Juste après la prière du vendredi, il étale à même le sol, à côtés d’autres jeunes marchands marocains, une gamme d’articles devant la grande mosquée du centre-ville de Rabat.

Vendant des lunettes, des bracelets, bagues et autres accessoires de téléphone, Baye Zal se plaint moins de la police que des « bandits », qui selon lui s’en prennent parfois aux vendeurs africains.

Certains Sénégalais opèrent jusque dans les ruelles de la Médina, où ils essaient d’écouler leurs articles, téléphones portables ou autres. Il y en a davantage à Casablanca, la capitale économique du pays, située à un peu plus de 100 km de Rabat.

« A Casa, (diminutif de Casablanca), il y a un marché dénommé Marché Sénégal. Là-bas tu n’entends presque que du wolof, même certains Marocains s’essayent au wolof », renseigne le jeune vendeur.

Dans un langage imagé, il résume la situation de la plupart des jeunes migrants sénégalais au Maroc en ces termes : « C’est comme l’oiseau au pied d’un arbre : soit il vient de descendre, soit il veut monter ».

Alioune Diouf

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