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Issa Cissé, des chantiers navals de Dakar aux plages du débarquement de Provence

Dans son modeste salon d’un quartier populaire de Dakar, Issa Cissé, 92 ans, désigne fièrement une photo et des distinctions militaires accrochées au mur, reliques de sa vie de soldat, pendant le débarquement de Provence d’août 1944.

«Ça a commencé le 15 août. J’ai débarqué le 17 août. Je tenais un canon antichar», raconte l’ancien tirailleur sénégalais, chéchia rouge et médailles épinglées à un impeccable boubou brodé jaune, dont le visage s’illumine au souvenir de ses faits d’armes.

«J’appartenais à la 9e division d’infanterie coloniale. Nous avons débarqué le 17 août et le 25 août, nous sommes entrés dans Toulon, que nous avons libérée», précise le frêle vieillard à l’ouïe déficiente. Celui qui servait dans une compagnie antichar s’appuie aujourd’hui sur une canne pour marcher.

«Il y avait beaucoup de morts et de blessés chez les tirailleurs» sénégalais, l’appellation commune des nombreux soldats d’Afrique subsaharienne engagés sous le drapeau de la France libre, ajoute le vétéran à l’humeur joviale, entouré de sa famille, dont ses deux épouses, ses enfants et petits-enfants.

«Deux jours après le début du débarquement, nous avons manqué d’eau. Avec un autre soldat, nous nous sommes portés volontaires pour aller en chercher», se souvient ce natif de Bakel (Est du Sénégal), à l’époque soldat de première classe.

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Après quelques kilomètres de marche, ils tombent «sur un puits, dans un village déserté». Le soldat Cissé dit avoir «goûté à l’eau», pour s’assurer de sa qualité, «malgré les risques d’empoisonnement».

«Nous sommes retournés chacun avec un jerricane de 20 litres sur la tête», raconte-t-il.

Le débarquement de Provence a hâté la victoire des Alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Baptisé dans le plan initial «Anvil» (enclume, en anglais), en référence à «Hammer» (marteau), le débarquement de Normandie dont il devait constituer le pendant, il a abouti à la libération d’une grande partie du sud de la France.

« Pas de reconnaissance de la France »

«J’ai été engagé volontaire le 4 novembre 1942», peu avant d’avoir 21 ans, se rappelle Issa Cissé. «Je travaillais comme chaudronnier à la Marine à Dakar».

Avant d’aller en Provence, il dit être passé par bateau au Maroc et en Algérie. «Au Maroc, nous avons été formés (avec d’autres soldats africains) à faire la guerre, au maniement des armes. On nous apprenait à tuer sans être tué».

A la fin de la guerre, «nous avons attendu un an pour rentrer au Sénégal, le 25 avril 1946, faute de bateau». Libéré de l’armée la même année, il retrouve son travail de chaudronnier dans la Marine.

«J’ai perdu beaucoup d’amis pendant ce débarquement. Ils ont été tués par des bombes, des mines, des mitrailleuses ou des canons. D’autres sont devenus fous ou estropiés et n’ont jamais pu revenir en Afrique» indique M. Cissé.

«Nous n’avons pas la reconnaissance de la France. Elle ne peut même pas nous payer», dit-il, déplorant le faible montant de sa pension.

«Je perçois 219.614 FCFA (334 euros) tous les six mois. Avant son augmentation (dans les années 2000, NDLR) c’était 25.000 FCFA (38 euros) par semestre», soupire le nonagénaire, livret militaire à la main.

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En décembre 1944, des tirailleurs démobilisés de retour de la guerre, qui manifestaient près de Dakar pour réclamer le paiement de leurs primes et soldes, avaient été fusillés par l’armée coloniale française.

 

Source :AFP

 

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