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Immigration : Ibrahima, l’espoir de toute une famille sénégalaise

Une soixantaine de Sénégalais vivent dans le canton. Et comme pour beaucoup d’Africains, les liens sociaux et financiers avec leurs proches restés au pays sont très forts. Parmi ces immigrés, Ibrahima raconte comment il fait vivre une grande partie de sa famille depuis l’Europe. Et évoque la pression que cela représente.

Le téléphone ne cesse de sonner. Ibrahima, installé dans le canapé de son appartement, rejette successivement les appels.

«Ils viennent du Sénégal. Tous les jours, je reçois des téléphones de gens qui me sollicitent, qui me demandent une aide financière. Ce ne sont pas forcément des proches, alors je ne promets rien. Je ne peux pas aider tout le monde.»

«L’arrivée en Europe a été difficile. J’étais le seul membre de ma famille à avoir émigré. Tous mes proches étaient à Dakar. J’ai fait de gros sacrifices en quittant mon pays.»

Car tous les efforts d’Ibrahima ne visent qu’un seul objectif: aider sa mère et ses sept frères et soeurs à mieux vivre.

«J’essaie de régler tous leurs frais, de satisfaire leurs besoins et de leur permettre de vivre dans de bonnes conditions. Avant, mon père gérait tout cela. Il est décédé cette année. J’ai pris la relève.»

Chaque mois, le Sénégalais envoie plus de la moitié de son salaire à ses proches qui vivent dans un quartier populaire de Dakar.

«Je pense sans arrêt à eux. Parfois, je leur cache mes problèmes. Si je me blesse, je ne dis rien à ma famille. Ils placent tellement d’espoirs en moi.»

Une rigueur telle que le jeune homme a renoncé à rentrer au pays durant les vacances de l’été.

«Je devais me reposer. Au Sénégal, ce n’est pas possible. Quand je rentre, tout le monde veut me voir.»

Les petits plaisirs qu’il s’accorde pour se sentir plus proche du pays? Rendre visite à ses amis sénégalais du canton, et «déguster un délicieux Yassa poulet», l’une des succulentes spécialités culinaires de son pays.

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L’espoir de toute une famille

A Dakar, toute la famille d’Ibrahima prie pour son succès. Gorgui Ngom est le cousin d’Ibrahima. Son grand ami, son conseiller et son confident. Dans une rue de Dakar qui grouille de monde, de vendeurs et d’étals colorés, ce commerçant parle de celui que tout le monde admire déjà dans le quartier.

Le départ d’Ibrahima vers l’Europe a été une fierté pour la famille. Tous ses proches sont venus à Dakar prier pour lui le jour de son départ. Certains se sont déplacés depuis Kaolack, à 200 kilomètres de la capitale. Ils lui ont donné des conseils pour qu’il n’oublie pas sa famille. Quand il a quitté le pays, je lui ai dit: ne déraille pas, travaille durement.

Gorgui mélange le wolof et le français qu’il a appris à l’école.

«Depuis le décès du papa d’Ibrahima, tous ses frères et soeurs dépendent de lui. Il ne doit pas les décevoir. La famille prie pour lui. Nous demandons que le mauvais sort l’épargne et qu’il ait une hygiène de vie saine. J’ai l’impression que ses proches vivent déjà mieux aujourd’hui grâce à l’argent qu’il leur envoie. Sa maman a pu arrêter de travailler.»

Le jeune marchand explique qu’«ici en Afrique, si tu n’aides pas ta famille lorsque tu en as les moyens, c’est très mal vu».

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EMIGRER AVEC TANT DE PRESSION

Qui pouvait s’imaginer que Ibrahima portait une telle responsabilité sur ses épaules? Qui pouvait s’imaginer que le sort de sa mère et de ses sept frères et soeurs dépendait en grande partie de son succès en Europe? Au Sénégal, la réalité est là: les rares personnes qui ont un travail et un salaire décent doivent faire vivre leur famille. Et quand on dit famille, il s’agit évidemment de la famille élargie: des frères et sœurs très nombreux, mais aussi des parents, cousins, neveux et nièces, et parfois des voisins.

La pression pour ceux qui ont une bonne situation est immense. Pour eux, pas question d’épargner, de garder un petit quelque chose pour s’offrir une jolie voiture, ou encore un voyage. Ils ont le devoir d’aider. Encore. Toujours. Parce que la situation dans le pays est difficile.

Le mal-être crève les yeux sur les côtes sénégalaises. Partout, des jeunes qui rêvent de rejoindre l’Europe, cet Eldorado qui leur permettra de faire vivre leur famille. Eux ne sont pas footballeurs, n’ont pas fait d’études ni obtenu une bourse en Europe. Personne n’est venu les chercher. Pour ces Sénégalais, le seul moyen d’atteindre l’Espagne est d’y arriver par la mer, en clandestin, et en risquant leur vie dans une pirogue de la mort. Et tous portent la même responsabilité sur leurs épaules.

Comment vivre avec tant de pression? Avec pour mission de rendre une dignité à sa famille?

 

 

 

 

 

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